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6e jour à l'Etrange festival

6e jour à l'Etrange festival avec deux films au compteur, deux petites bombes à fragmentation totalement différentes mais irrésistiblement orgasmiques. Dans le premier, le magicien des effets spéciaux Phil Tippett nous gratifie d’un bel hommage à la stop-motion et à Ray Harryhausen avec son film poético-horrifique bourrés de monstres jusqu’à la gueule dans Mad God. Et dans le second, le Hong-Kongais Soi Cheang (Dog Bite Dog) nous sort le polar hard-boiled ultime Limbo avec tueur de femme et pluie torrentielle dans un noir et blanc et une mise en scène exceptionnelles. Une journée ciné comme on les aime.

 

MAD GOD – Ray still lives - USA – 2020 – Phil Tippett

En compétition

 

Pitch : Une plongée dans les bas-fonds d’un monde en ruines où l’on suit L’Assassin. Ses sombres desseins se perdent dans un labyrinthe de paysages étranges, repaire d’une faune inquiétante et féérique.

 

La séance était précédée d’un mini documentaire de 15 minutes réalisée par la fille de Phil Tippett sur le travail de son père et l’origine de la conception de Mad God. Un accouchement long et difficile de près de 30 ans arrêté avec l’arrivée du numérique et ressorti des cartons un peu par hasard grâce aux collaborateurs du magicien des SFX. Et de d’obstination, Phil Tippett s’en est nourri pour atteindre ses rêves et devenir l’émule d’un Ray Harryhausen contre vents et marées. Auréolé de distinctions pour Jurassic Park ou Starship Troopers, Tippett continue à se faire plaisir en expérimentant de nouvelles créatures venant alimenter son usine à rêves et son dernier projet, Mad God, sorte de film somme où il rend hommage à tout un pan du cinéma.

Financé en partie par une campagne de Crowfunding, Mad God cristallise toutes les obsessions, l’inventivité et la poésie d’un homme qui aime avant tout travailler la matière et créer de ses mains (et pas derrière un ordinateur) des mondes loin de la féérie et des contingences hollywoodiennes. De fait, le film est quasiment tourné en stop-motion hormis quelques séquences avec des acteurs (pas forcément les meilleures à mon sens) pour dépeindre un univers en déliquescence dans lequel un être ressemblant à un soldat recouvert d’une sorte de scaphandre de protection est descendu à l’aide d’un cylindre mécanique dans les profondeurs d’un monde s’apparentant au nôtre mais ravagé certainement à la suite d’une guerre nucléaire. Cette virée en enfer, c’est aussi le moyen pour Tippett de montrer toutes les strates de son œuvre et de son talent au travers de la diversité des créatures rencontrées, avec dans un recoin le cyclope imaginé par Ray Harryhausen.

L’immersion de ce soldat en mission avec l’aide d’une simple carte pour déposer une bombe au fond de ces entrailles lugubres proches d’un estomac régurgitant des amas de sécrétions se fait sans dialogue, simplement accompagnée de musique, de langages souvent incompréhensibles et des borborygmes des monstres et merveilles rencontrés. Un monde à la fois gothique, horrifique et organique où se côtoient une foultitude de créatures déformées, de cerbères agressifs et d’un système organisé pour engendrer des esclaves informes ressemblant à des ersatz d’humains, sortes de marionnettes sans âme uniquement là pour besogner et pour être sacrifiés en tant que nourriture ou par pur plaisir. Tippett décrit une Terre proche de celle de Metropolis sur la forme et le fond, des travailleurs au service d’un grand ordonnateur réalisant également des expériences chirurgicales sur des animaux, à ce moment-là, on n’est pas loin de L’île du Docteur Moreau.

Si le scénario s’avère un peu redondant, il permet avant tout de mettre en exergue tous les êtres réveillés de leur torpeur par ce génial inventeur à la poésie macabre que n’aurait pas renié un Tim Burton de la première heure. Car ce monde grouille de stremons animés image par image au milieu d’une guerre incessante nous rappelant par instant les ombres de Terminator ou même de 2001, L’Odyssée de l’Espace pour l’apparition de monolithes et la vision déstructurée du Big-Bang. Car Phil Tippett est ici le véritable Dieu, celui qui met en image son imagination débordante et son amour d’un bestiaire hybride et dégénéré, tout simplement magnifique. La descente dans cette foire aux monstres est d’une grande fluidité visuelle et nous renvoie inévitablement à toute l’œuvre de l’autre génie Ray Harryhausen. On ne pouvait sans doute pas lui rendre un plus bel hommage.

 

4/6

 

 

LIMBO – Noir c'est noir - Hong-Kong – 2021 – Soi Cheang

En compétition

 

Pitch : Dans un Hong Kong crépusculaire, la jeune recrue Will Ren et le flic vétéran Cham Lau font équipe pour arrêter un tueur en série qui s'attaque aux femmes en leur coupant les mains...

 

Et quand on parle de descente aux Enfers, Limbo est sans doute un de ses plus beaux représentants. Polar noir de jais, le dernier long-métrage en date de Soi Cheang (Motorway, Marauder) est un uppercut à la fois visuel, dans son histoire de tueur en série et de vengeance sans concession. Adapté du roman Wisdom Tooth du Chinois Lei Mi, le film est tourné dans un noir et blanc somptueux entre les ruelles étroites et jonchées de détritus d’une ville-monde où la misère la plus extrême erre dans les lambeaux d’une société à deux vitesses. Au milieu de cet univers cauchemardesque, sorte d’abime à ciel ouvert où les camés côtoient les prostitués, la police tente de retrouver un tueur adepte de la découpe de la main gauche des corps de jeunes femmes qu’il laisse pourrir dans les poubelles de Hong-Kong.

Sous une pluie perpétuelle, renforçant cette ambiance presque onirique, Chaum Lau (Ka Tung Lam, Infernal Affairs) et son jeune collègue Will Ren (Mason Lee, Very Bad Trip 2) enquêtent sur les femmes retrouvées dans un sale état et amputée d’une main. Mais le scénario ne s’arrête pas à cette histoire, il suit également le calvaire de Wong To (impressionante Yase Liu, Cafe by the Highway) qui, suite à un accident de route provoquée par elle sous l’emprise de la drogue, envoie à l’hôpital la propre campagne du flic Chaum Lau. Limbo suit ainsi la traque de la jeune femme par un homme fou de vengeance, notamment lors d’une course-poursuite spectaculaire. Finalement, Wong To se rend et accepte de collaborer avec Lau pour expier ses fautes, connectant les deux histoires sous un déluge de violence.

Adossé à une photographie à tomber par terre, le réalisateur de Dog Bite Dog use de toute sa maestria esthétique afin de dépeindre cette ville au bord du gouffre. Il enchaîne les plans majestueux sans esbroufe juste pour accentuer les situations de plus en plus macabres. On est véritablement au carrefour entre Seven et Memories of Murder pour ce polar poisseux et magnifique dans sa beauté crépusculaire. Les héros sont irrémédiablement tourmentés au point de pratiquer une violence sans limite, à l’image de Chaum Lau n’hésitant pas à torturer pour parvenir à ses fins, à commencer par Wong To presque lynchée par un flic perdu dans son désespoir. Il faut ici saluer la prestation de la jeune actrice Yase Liu qui en prend littéralement plein la gueule tout le film, passée à tabac, agressée au couteau, balancée d’un immeuble avant d’être violée lors d’une séquence insoutenable. Même si elle se défend toujours avec véhémence, on souffre pour elle, et de mémoire de cinéphile, on n’a pas souvenir d’une telle douleur.

Il faut dire que Limbo fait mal à tous les étages, la bestialité psychologique et surtout physique des personnages inonde le récit à l’instar des trombes d’eau et de la tempête s’abattant sur eux. Proches d’un comportement animal d’auto-défense et de survie, les protagonistes sont poussés dans leurs derniers retranchements, leurs pulsions et tombent rapidement dans une cruauté exacerbée. Cela nous vaut deux séquences de baston particulièrement éprouvantes et magnifiquement mises en scène dans les décors d’immeubles entrelacés et des cadavres de voitures. A l’image de l’ensemble du film visuellement irréprochable et immersif, la caméra de Soi Cheang s’immisce avec virtuosité dans ce réseau de rues labyrinthiques générant des images immortelles et des plans prodigieux à l’aide de drones, pas juste là pour le fun mais pour accompagner au mieux les courses-poursuites dans ce dédale mortel. On suffoque avec les héros et on en ressort tout aussi éreinté face à l’ultime combat ultra brutal, mais avec le sentiment d’avoir assisté à une projection mémorable d’un film coup de poing. Le panard quoi.

 

5/6

 

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