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Festival du film coréen de Paris 2015

Retour du festival du film coréen de Paris pour sa 10e édition (un anniversaire rappelé par une bande-annonce très très... ringarde et applaudie par certains... avant chaque projection). Au menu cette année, de la comédie musicale, du cinéma romantique, des classiques et les derniers films en vogue au pays du matin calme. Pour ma part, j’ai pu assister à 4 projections dont voici le compte-rendu.


Alice in Earnestland – 2014 - AHN Gooc-jin


Pitch : Une conseillère sociale voit débarquer dans son bureau une jeune femme iconoclaste qui va la retenir prisonnière pour lui raconter son histoire. Elle s’appelle Su-nam et travaille comme comptable dans une usine où elle a rencontré son mari sourd. La vie de Su-nam, travailleuse assidue peu récompensée pour ses efforts, est pour le moins étrange et inattendue.


Pour son 1er long-métrage, AHN Gooc-jin brosse un portrait acerbe de la société coréenne. Alice in Earnestland est à la fois un drame social, une histoire d’amour et une réflexion sur la condition des citoyens, le tout nimbé d’un humour noir allant de la parodie au torture porn. Sur le papier, le film est alléchant mais force est de constater que le réalisateur a du mal à créer une symbiose entre tous ces éléments. En effet, les bonnes idées visuelles sont plombées par un scénario s’éparpillant aux quatre vents en multipliant les points de vue et les personnages.

Au travers du parcours de Su-nam, Alice in Earnestland est avant tout un film contestataire remettant en cause les politiques de logement et de réaménagement urbain mais aussi une réflexion sur le sort des handicapés (le mari de Su-nam est sourd et sa prothèse auditive coûte un œil). Obligée de travailler jour et nuit, Su-nam est le symbole d’un peuple esclave du travail pour avoir accès au logement et aux soins. Si la charge n’est pas toujours subtile (les élites sont corrompues, les syndicalistes très virulents), le film est perclus d’effets de manche visuels et d’une patine le faisant osciller régulièrement vers les frontières du fantastique et de l’horreur.

Le réalisateur n’hésite pas à montrer des plans sanglants même gores (un œil crevé, des gorges tranchées) quand Su-nam pète une durite ou qu’elle est séquestrée par un homme lui faisant subir une torture au fer à repasser. Des explosions de violence qui tranchent avec le ton d’un film, quelque fois très sombre voire misérabiliste et une gentille bluette renvoyant à la coloration d’une Amélie Poulain asiatique. Des changements de propos décalées déstabilisant le récit (la baisse de rythme en plein milieu du métrage) et n’aboutissant pas à une philosophie et une ligne de conduite très claire.

Si Alice in Earnestland n’est pas désagréable à suivre grâce à quelques idées intéressantes (on comprend néanmoins mal qu’il ait gagné le Grand Prix du meilleur film coréen au dernier Festival du Film de Jeonju), on peut s’interroger sur la pertinence de l’alliance de ses différents styles comme si le film ne savait pas sur quel pied danser. Au point qu’il détourne le spectateur de son propos initial anti-système et dénonciateur des préoccupations des citoyens coréens.

 

Island - 2014 - PARK Jin-seong


Pitch : Un homme arrive sur l’île de Jeju, pour prendre possession de la maison de son grand-père dont il vient d’hériter. Dans la région, des rumeurs courent autour de cette inquiétante demeure… Selon certains, un fantôme s’y promènerait la nuit. Le nouveau venu n’y prête guère attention. Mais la première nuit venue, il va se rendre compte que cette maison n’est pas comme les autres…


Island dégage une atmosphère étrange du fait de son scénario alambiqué et de son parti pris d'être tourné en noir et blanc (les organisateurs du festival se sont battus pour le projeter sous ce format alors que le film devrait sortir en couleur en Corée en 2016). Ce qui renforce encore plus cette sensation de décalage qui sied bien aux îles et à la météo changeante qui bat ces bouts de rochers perdus au milieu de nulle part.

Il faudra se laisser porter par un début assez lent au son d'une musique classique omniprésente où la caméra suit cet homme débarquant et déambulant sur une île semblant abandonnée de tous. Seule une vieille maison délabrée trône au centre d'une nature à la fois luxuriante et désertique. En pénétrant dans la demeure, le film bascule alors dans le fantastique.

Island est divisé en deux parties distinctes. La journée, le héros est pris en charge par une jeune fille un peu délurée qui va l’entraîner dans ses errances et découvrir la vraie raison de sa venue sur l'île. Là, le film est une aventure sentimentale où deux êtres déboussolés se rencontrent et tentent de se rapprocher. En revanche, dès que la nuit s'installe, le fantastique reprend ses marques (la musique se tend également) avec cette histoire de fantôme dans une demeure où le personnage revit le passé des lieux. A l'aide de flashback assez long, le réalisateur récrée un film dans le film et tisse son récit autour de la vie d'une famille et d'une jeune fille qui, disparue sur une île soi-disant hantée, réapparaît un mois plus tard.

Ce sont certainement les meilleurs passages du métrage où avec presque rien PARK Jin-seong parvient à retranscrire une ambiance éthérée et fantasmagorique entre légende et voyage dans le temps. Progressivement, le spectateur est pris par le scénario à chaque fois qu'il retrouve ces personnages du passé et veut en savoir plus. Peut-être que les retours au quotidien en journée affadissent quelque peu le propos. Néanmoins, ils sont nécessaires pour entrecroiser les histoires se rejoignant dans un final très poignant.

Au final, Island se révèle une belle surprise. Une réflexion sur le deuil et l'absence où le fantastique s'immisce parfaitement grâce à une photographie en noir et blanc somptueuse et une caméra glissant sur les flots ballottés et se perdant dans les recoins de ces îles fantomatiques comme Ulysse appelé par les sirènes.

 

Socialphobia – 2014 - HONG Seok-jae


Pitch : Deux étudiants qui se préparent à passer l’examen de police décident de se joindre à un groupe de jeunes rencontrés sur un forum internet proposant d’aller punir une fille se moquant en ligne du suicide d’un soldat, une affaire qui fait grand bruit sur Internet. Réussissant à obtenir son identité et son adresse, le groupe se rend chez elle afin de l’humilier et d’obtenir des excuses de sa part. Ils filment et diffusent simultanément leur intervention en ligne, mais une surprise de taille les attend…


La Corée (du Sud hein pas du Nord) est toujours à la pointe de la technologie. Ce que prouve Socialphobia en montrant des jeunes ultra connectés et passant leur vie à tweeter. A longueur de journée, ils s'insultent, s'affrontent virtuellement par écran interposé. Une vraie fausse vie où chacun a un pseudo et se permet de déverser sa haine à l'encontre de l'autre gratuitement, peut-être par ennui (ça marche aussi avec FB...).

Toujours est-il que cette bande d'étudiants connectés n'a pas trouvé mieux que de défoncer virtuellement une fille qui elle-même pourrissait tout le monde. A tel point que les internautes lancent des fatwas contre elle (au passage, elle a insulté un militaire et les jeunes patriotes lui en veulent car elle est contre la nation...). Le sourire aux lèvres, un groupe de jeunes étudiants se rend sur place et la retrouve pendue. Stupeur et tremblements devant ce spectacle relayé en direct par une webcam générant toute une série de conséquences pour ces découvreurs.

Alors que Socialphobia se présente comme un "cool movie" sur une génération de geeks (les tweets apparaissent sur l’écran), le film se transforme progressivement en enquête car tout porte à croire que la donzelle du web a été assassinée. Les deux héros, Ji-woong et Yong-min, étudiants en école de police et leurs camarades décident alors de débusquer le coupable en déployant des trésors d’ingéniosité et de technique informatique pour arriver à leurs fins. Peut-être un peu trop car les rebondissements semblent par instants un peu tirés par les cheveux ainsi que l’attitude de la police et des médias (on imagine que dans nos contrées, une telle affaire aurait engendré des remous plus importants).

En soi, l’idée de base est originale, la réalisation pêchue et les rebondissements s’enchaînent sans temps morts (le réalisateur utilise les mêmes codes que le thriller et multiplie les fausses pistes). Pourtant, Socialphobia laisse un goût bizarre en bouche comme si on avait à faire à un petit malin qui, sous couvert de l’utilisation à outrance des réseaux sociaux et des nouvelles technologies, cherchait à dresser le portrait d’une génération débordée par son envie de vie virtuelle. Le problème est que Hong Seok-jae utilise de gros sabots pour dénoncer les conséquences virales d’Internet dans une société qui a tôt fait de pourrir ou d’encenser n’importe quel quidam.

Au final, Socialphobia se laisse regarder (l’humour est présent par le biais de personnages caricaturaux à la limite de la parodie) même si on peut être perdu par ce déferlement d’images et de surimpression de caractères pour ce pamphlet qui retombe bien vite malgré une volonté d’incriminer un système virtuel autoproclamé. La charge est louable mais sa réalisation est un peu maladroite comme si le réalisateur se prenait lui-même les pieds dans la Toile.


Vétéran – 2015 – Ryoo Seung-Wan


Pitch : Seo Do-cheol est un inspecteur de la vieille école, qui ne fait preuve d'aucune pitié lorsqu'il s'agit de traquer les criminels. Un jour, il se retrouve à enquêter sur un jeune millionnaire, Jo Tae-oh, dont la fortune et les connections haut-placées lui ont jusqu'ici permis d'échapper à la justice.


6e film le plus vu en Corée-du-Sud avec ses 13 millions d’entrée, Vétéran, réalisé par l’auteur de The Berlin file (aka The agent), a tout du blockbuster réussi (la salle était littéralement hilare comme rarement) avec ses cascades Jackychanesque, ses répliques comiques et son humour de situation burlesque et slapstick. Pourtant...

La première demi-heure s’apparente à une pure comédie policière avec ces deux agents infiltrés pour démanteler un trafic de voitures haut de gamme, notamment par le héros du film, le détective Seo Do-cheol. Une 1ère scène finissant en baston chorégraphié entre art martiaux et serrage de roubignoles digne d’un Buster Keaton asiatique. Sauf qu’ici, Vétéran ressemble plus à une production estampillée « Besson » avec humour gras, effet facile (les bruits des coups sont accentués) et surjeu des comédiens grimaçant aussi forts que les spectateurs hurlaient de bonheur dans une salle acquise à sa cause.

Sans compter que la scène suivante est encore pire lorsque la police tente d’empêcher la transaction entre les Coréens et une bande de Russes caricaturaux dans un port de commerce. Sous les gesticulations et les mimiques de Seo Do-cheol, la course-poursuite entre tout ce petit monde commence alors, à l’image d’un épisode de Benny Hill, au milieu de containers et gyrophares policiers. Entre deux sourires (parce que la connerie fait rire), le spectateur (enfin, visiblement que moi...) se demande pourquoi les personnages crient, s’envoient des tatanes ou se prennent des murs, pour finir dans un commissariat où les poncifs ont élu domicile.

D’autant plus que le film va tout à coup prendre un virage plus sérieux voire dramatique. Changement de décor avec l’entrée en scène du jeune méchant de l’histoire, Jo Tae-oh, le fils riche d’un mafieux. Un taré de première sous cocaïne qui aime bien organiser de petits jeux pervers. Mal lui en prend puisqu’il va obliger un chauffeur de taxi à se battre et à finir dans le coma. Un prétexte pour déclencher la vengeance de Seo Do-cheol. Une 2epartie très sombre où les sourires sont mis de côté. De fait, Vétéran se transforme en une dénonciation de la situation politique de la Corée-du-Sud gangrenée par la corruption, la misère sociale avec intervention des syndicats et l’humiliation physique et psychologique de la classe laborieuse.

Contrairement à son début, le film se fait plus sobre dans la gaudriole et l’action jusqu’à presque ennuyer par instants le spectateur après ce déferlement de comédie sous cellophane. Cette partie est très longue à se décanter même si on retrouve les codes du film policier d’investigation et d’espionnage. Sans empathie pour les personnages, on se fout finalement de leur sort malgré quelques séquences douloureuses. Une modification tonale qui, sans être totalement déplaisante, ne s’imbrique pas vraiment avec le début. A l’image de la fin du métrage qui fait dans la surenchère voyant l’affrontement entre Seo Do-cheol et Jo Tae-oh. Un final insipide où l’humour reprend ses droits avec course-poursuite à moto et flics peureux comme dans n’importe quel Transporteur ou Taxi.


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Commentaires: 6
  • #1

    Rigs Mordo (vendredi, 06 novembre 2015 21:38)

    On dirait qu'il y a à boire et à manger des ces films. Socialphobia semble sympa mais j'avoue être vite allergique aux enquêtes hi-tech... Island me fait un peu penser à La Dame en Noir dans la description que tu en fais, surtout au niveau du décor (la couv me le rappelle aussi). Beau compte rendu en tout cas :)

  • #2

    Roggy (vendredi, 06 novembre 2015 22:36)

    Effectivement, cette dernière fournée du festival n'est pas parfaite (pour ce que j'en ai vu). Malgré tout, il y a toujours des choses à sauver dans ce film venus d'ailleurs.

  • #3

    Alice In Oliver (dimanche, 08 novembre 2015 07:54)

    en résumé, rien d'inoubliable. Je n'ai pas lu toutes les chroniques, mais visiblement, rien d'exceptionnel dans l'ensemble

  • #4

    Roggy (dimanche, 08 novembre 2015 09:32)

    Je n'ai vu que 4 films sur toute la sélection donc je ne peux pas me prononcer sur l'ensemble. Apparemment, certains films étaient très réussis. Pas dans la sélection que je propose...

  • #5

    2flicsamiami (dimanche, 08 novembre 2015 11:56)

    Comme quoi, tout ce qui vient d'Asie n'est pas forcément gage de qualité.
    Sinon, à l'instar de mes camarades, rien de franchement passionnant parmi les films que tu présentes, hormis peut-être Island.

  • #6

    Roggy (dimanche, 08 novembre 2015 17:20)

    Tout à fait d'accord, tout ce qui vient d'Asie n'est pas parole d'évangile comme on tente de nous le faire croire. "Island" pour le coup est une bonne surprise.