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REPRISE FESTIVAL GERARDMER 2023 A LA CINEMATHEQUE

Petit retour succinct sur trois longs-métrages au programme du Festival de Gérardmer avec pour débuter le post-apo Memory of Water (2022) de la finlandaise Saara Saarela, le retour de Brad Anderson avec Blood (2022) et le jusqu’au-boutiste essai français La Tour (2022) de Gillaume Nicloux.

 

MEMORY OF WATER

Finlande/Allemagne/Estonie/Norvège – 2022 - Saara Saarela

 

Résumé : Dans un monde futuriste où l'eau se fait rare, Noria est devenue la Maîtresse du thé de son village, suivant à la lettre les traditions héritées de son défunt père. Elle détient également un secret bien gardé depuis des générations. La jeune femme doit faire appel à sa force tranquille pour la guider à travers une dangereuse odyssée pour la survie de son peuple.

 

En ouverture de la séance, la réalisatrice Saara Saarela a évoqué le contexte de la création du film qui acquiert une résonance toute particulière face à l’écho de la situation mondiale. Un régime totalitaire qui soumet une population par la force dans un monde de sécheresse et de manque d’eau sont les occurrences de ce film dont le scénario écrit bien avant les événements actuels prophétisait en quelque sorte le chaos mondial ambiant. Adapté du roman finlandais Memory of Water d'Emmi Itäranta publié en 2012, le long-métrage tourné à la fois en Estonie, en Allemagne et dans les grandes plaines de Norvège pour un budget non négligeable de quatre millions d’euros, se rapproche d’une dystopie pour jeunes adultes où le courage de se révolter rappelle certaines autres productions américaines.

Dans ce futur proche où l’eau est devenue une denrée rare (filtrée et refiltrée mais toujours de mauvaise qualité), Noria (Saga Sarkola), la nouvelle maîtresse de la cérémonie du thé succède à son père dans cet exercice ancestral et protocolaire pour le moins paradoxal dans un endroit exsangue de tout liquide vital. Elle découvre surtout que le gouvernement aurait menti quant à la raréfaction de l’eau au point de tout contrôler et de poursuivre les "trafiquants" qui cherchent par tous les moyens à se sustenter. Des scientifiques auraient trouvé la preuve que les autorités auraient empoisonné l’eau et tué des millions de personnes avec l’objection de les asservir comme dans une bonne vieille dictature avec en guise de nervis une kyrielle de militaires casqués, armés et se déplaçant grâce à des espèces de mini trucks, et en particulier par le régulateur d’eau en chef Taro (Lauri Tilkanen) auprès de qui l’héroïne ne serait pas insensible.

Sur ce postulat de post-apo pour le coup très crédible, l’Union Scandinave en bon régime autocratique gouverne par la terreur des arrestations et des exécutions sommaires, Saara Saarela construit une œuvre, certes assez lente et manichéenne, ne ralliant pas à son panache la plupart des spectateurs mais qui aura su maintenir l’attention de votre serviteur à la soif ciné visiblement pas encore étanchée. Le scénario garde le cap de la cohérence dans cet univers déployé entre SFX propres, un nombre important de décors et de figurants crédibilisant un peu plus cette révolte sous-jacente pour une quête de l’eau perdue face au joug d’une dictature présentée bienveillante et protectrice par ses géniteurs proche de l’esprit du livre et du film 1984.

Les réserves iront peut-être sur l’approche un peu réductrice des méchants et des gentils pauvres avec son lot de traitrise et de lâcheté (qui a dit Divergente ou Hunger Games ?), mais ce serait passer à côté de Memory of Water aux fragrances européennes d’une science-fiction "possible" contrebalancé par une cérémonie du thé mélangeant les influences et mise en avant comme seule havre de paix face à la barbarie. A partir du moment où Noria débarque une source naturelle cachée utilisé par son père pour abreuver le village, le film bascule dans une sorte de course-poursuite et de personnalisation sacrificielle un peu convenue mais assez prenante, ne laissant jamais de côté le spectateur pour un long-métrage en lien avec son temps et ce satané changement climatique prévu depuis déjà très longtemps dans les ouvrages d’anticipation.

 

3,5/6

 

 

BLOOD - USA – 2022 – Brad Anderson

 

Résumé : Après un divorce compliqué, Jesse emménage avec sa fille et son jeune fils Owen dans une vieille ferme. Peu après, Owen est mordu violemment par un chien. À l'hôpital, il se réveille avec une étrange soif de sang. Sa mère va tout faire pour lui en procurer et le maintenir en vie.

 

On avait un peu perdu de vue Brad Anderson depuis ses premiers essais prometteurs comme Session 9 (2001) et surtout The Machinist (2004) avec un Christian Bale squelettique. Il eut du mal à conforter son style singulier dans l’industrie hollywoodienne avec des longs-métrages de commande (Transsiberian, L’Empire des Ombres, The Call) ou pas mal d’épisodes pour des séries télés. Avec Blood, Anderson remet le bleu de chauffe du fantastique sans réelle aspérité, presque familial malgré un sujet surnaturel plutôt intéressant.

Situé dans une banlieue bien rassurante des States, le long-métrage prend ses quartiers standardisés afin de dévoiler une famille dysfonctionnelle. Jesse la mère (Michelle Monaghan, Nanny) ancienne toxico, sa fille et son fils Owen (Finlay Wojtak-Hissong) partagent une maison isolée et vivent séparés de leur père (Skeet Ulrich, Scream) qui fait tout pour récupérer ses enfants. Le réalisateur irise ainsi son récit fantastique d’un drame familial où le père est à l’affut des moindres bévues de son ex-femme afin de lui retirer la garde des enfants. Dans ce contexte tendue, Blood s’évertue à développer sa trame horrifique par le biais d’un lac asséché où trône un vieil arbre, source d’un mal dont on ne connaîtra pas vraiment l’origine.

Le film bascule lorsque le chien d’Owen s’enfuit et réapparait la nuit suivante les yeux rougis et la rage aux lèvres au point de mordre gravement le petit garçon. A deux doigts d’y passer, Owen reprend du poil de la bête grâce à l’absorption d’une poche de sang humain sous les yeux de sa mère interloquée mais bien décidée à l’aider à survivre coûte que coûte, même en kidnappant une vieille femme en fin de vie afin de l’utiliser comme une tireuse à sang attachée dans la cave. Si Jesse commence à perdre la raison en même temps qu’elle se vide de son liquide vital pour nourrir son fils de plus en plus gourmand, Blood peine à créer un réel malaise et le spectateur possède toujours un coup d’avance sur un scénario sans réelle surprise ni dérive sanglante.

Dommage que le fil de la narration ne s’aventure pas vers les contrées fiévreuses de ce mal insidieux proche du vampirisme dont le climax propose les meilleurs séquences visuelles et malaisantes du film lors du choix tragique de la mère. Sans doute le meilleur moment d’un long-métrage finalement très propre sur lui entre le conflit familial des deux parents, le dévouement de la mère pour trouver du sang et les désirs sanglants d’Owen de plus en plus prégnants mais jamais véritablement réalisés. Dans le même genre, on conseillera le bien plus glauque et réussi Son d’Ivan Kavanagh en 2021.

 

3/6

 

 

LA TOUR - France – 2022 – Guillaume Nicloux

Résumé : Un matin, les habitants d’une tour de cité isolée découvrent qu’un voile noir s’est installé, bouchant fenêtres et entrées. Ceux qui tentent de passer au travers n’en sortent pas vivants.

 

On connaissait Guillaume Nicloux pour des films comme Le Poulpe, Valley of Love ou encore Thalasso avec Depardieu et Houellebecq mais pas encore dans le genre du fantastique assez extrême. L’auteur de La Religieuse s’y essaie donc avec un pitch relativement simple, les résidents d’une tour se retrouvent bloqués à l’intérieur pour un huis-clos étouffant et sans issue. L’élément surnaturel est représenté par cette sorte de brouillard noir de jais qui les entoure faisant disparaître toute vie au dehors. Pire, les malheureux qui s’y aventurent sont littéralement absorbés à tout jamais par cette purée de pois.

Ce point de départ fait ainsi beaucoup penser au roman de J.G. Ballard I.G.H dans une version encore plus claustrophobe dans cette tour de banlieue un peu vétuste dans laquelle les habitants, comprenant rapidement la situation à l’instar du spectateur, s’unissent par communauté, soit les blancs et les noirs afin de rassembler les ressources et la nourriture. Si leur quotidien ne semblait pas forcément exécrable, l’enfermement fait ressortir les inimitiés et les conflits larvés. Une galerie de personnages pas complétement stéréotypés sans star au casting hormis le rappeur Hatik découvert dans la série Validé et les deux révélations du film Angèle Mac et Lina-Camélia Lumbroso.

Porté par une musique entêtante proche d’un SF movie, La Tour s’inscrit dans un univers de post-apo horrifique où, après quelques années, on pratique la prostitution pour quelques victuailles ou de la drogue, le cannibalisme et l’élevage d’animaux de compagnie pour la viande. Bref, un monde pas rigolo où la misère humaine côtoie une déchéance inéluctable. Si le film de Guillaume Nicloux est parsemé de bonnes intentions et d’un climat d’oppression permanent, il souffre de jeux d’acteur aléatoire et d’une répétition dans la structure narrative forcément lié à la condition de cette prison à ciel fermé. Dans ses meilleurs moments, le long-métrage nous renvoie à The Divide de Xavier Gens, voire à Citadel de Ciarán Foy avec cette lutte permanente entre les individus pour essayer de survivre.

Psychologiquement éprouvant, La Tour s’offre également quelques saillies sanglantes qu’on n’a pas forcément l’habitude de voir dans le cinéma français avec une tête explosée et des bastons entre communautés. Dommage que l’ensemble manque d’une forme de crédibilité, même si le point de départ surnaturel ne sera jamais expliqué et n’est pas un problème en soi. On se demande comment ils arrivent à respirer, à trouver de l’eau et à survivre à plus de 150 personnes avec seulement des nourrissons, des chats et des chiens en guise de barbecue. On saluera pourtant cette tentative d’un réalisateur établi dans le paysage du cinéma hexagonal "traditionnel", malgré ses défauts et des difficultés à étendre un sujet digne de La Quatrième Dimension sur la durée d’un long-métrage.

 

3,5/6

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