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3e jour à l'Etrange festival

Mercredi 8 septembre 2022

 

La pluie commence à pointer le bout de ses gouttes comme un changement de saison en perspective tandis que votre serviteur continue ses pérégrinations à l’Etrange avec un drame du philippin Mike de Leon, Kisapmata de 1981, avant de terminer sur la dystopie science-fictionnelle germano-roumaine We Might as Well be Dead de Natalia Sinelnikova.

 

KISAPMATA Philippines 1981 Mike de Leon

Rétrospective Mike de Leon

 

Pitch : Lorsque Mila apprend à son père qu’elle est amoureuse de Noel et enceinte de lui, le redoutable patriarche ne compte pas desserrer son emprise sur elle. Même mariée, il tente de lui imposer de rester dans le foyer familial, jusqu’à l’enfer.

 

Le film est inspiré d’un fait divers relaté dans un journal sous le titre « La maison de la rue Zapote ». Kisapmata traite de l’emprise psychologique, physique et sexuelle d’un père sur sa fille et par ricochet sur sa propre femme. La situation se tend lorsque Mila (Charo Santos) souhaiter épouser Noel (Jay Ilagan) notamment parce qu’elle est enceinte. Ils vont alors se heurter au père Dadong (Vic Silayan), ancien flic à la retraite, incapable de laisser partir sa progéniture de la demeure familiale. Au-delà de perdre sa seule enfant, on comprendra plus tard les raisons horrifiques de ce refus.

Avec ce long-métrage, Mike de Leon traite du sujet tabou de l’inceste dans un pays très religieux où les mariages sont encore arrangés et soumis à la dot. D’ailleurs, c’est le sujet d’un dîner de présentation entre les deux familles. Si la cérémonie de mariage et les festivités se passent sans trop de problème, le marié découvre dès la fin de la soirée que sa femme subit les desiderata de son paternel l’obligeant à passer sa nuit de noces à son domicile. On a vu mieux comme soirée festive. Ce n’est finalement que le début d’une série d’anicroches en forme de gradation pour aboutir à l’enfermement pur et simple de la jeune femme, Noel n’ayant même plus de contact avec elle, même au téléphone.

Sur cette histoire au fond assez classique, le réalisateur construit un récit très minimaliste (Peu de décors tournant surtout autour de la maison de Dadong) et une mise en scène erratique pouvant rebuter le spectateur, imposant avant tout Dadong comme une figure autoritaire, violent physiquement et destructeur par ses réactions verbales, entre discours paternaliste et rabaissement de sa famille. Il suinte la peur autour de lui. C’est en fait une sorte de pervers narcissique capable d’humilier sa fille et de frapper sa femme dans l’intimité. L’ombre de son emprise irise le film comme une chape de plomb à laquelle il semble bien difficile d’échapper.

Coincée dans sa prison familiale, qui ressemble à un camp militaire retranché avec barbelés, Mila monte un subterfuge pour s’évader avec son mari suite à une visite médical à l’hôpital. Mais le répit sera de courte durée, le poids des conventions et de la société les ramènent à la réalité de leur condition. Même la mère sous la domination servile de Dadong est incapable de réagir au point d’aider ce dernier à les rapatrier vers eux et à les précipiter dans la gueule du loup, avant une dernière bobine forcément tragique. Comme pour Itim, Les Rites de Mai, Kisapmata a été restauré en 4K (sous la supervision de son auteur) et est disponible chez Carlotta Films.

 

3,5/6

 

 

We Might as Well be Dead – Allemagne/Roumanie – 2022 - Natalia Sinelnikova

En compétition et en présence de l’équipe du film

 

Pitch : Anna travaille comme agente de sécurité dans une tour à l’orée d’une forêt. Chacun veut rejoindre cette communauté protégée de l’extérieur, et qui semble la dernière trace de notre civilisation. Mais la disparition du chien du gardien va mettre en péril cet équilibre déjà bien fragile…

 

Avec ce premier long-métrage, la cinéaste germano-russe et son scénariste développe une histoire assez touffue d’une communauté repliée sur elle-même dans un environnement encerclé de protections et de barrières où trône une immense tour aperçue dès l’ouverture. Elle augure déjà de futures tensions et nous renvoie inexorablement au roman de J.G. Ballard I.G.H. comme cela fut annoncé en introduction de la séance. Un récit qui avait fait l’objet d’un film en 2015 sous la houlette de Ben Wheatley avec High-Rise.

A l’entrée de l’établissement, il faut montrer patte blanche afin d’intégrer cette prison dorée. C’est Anna Anna (Ioana Iacob, Le Coq Décapité) qui ausculte les nouveaux arrivants avec un détecteur de métaux comme dans un aéroport et un laïus bien rodé afin d’empêcher de l’entrée de toutes les perversités et les maladies du monde extérieur. Un discours qui prêterait à sourire mais progressivement, on s’aperçoit que les habitants de cette tour assez vétuste ressemblant à un vieil hôpital abandonné post-ère soviétique ne semblent pas forcément très clairs et parfois même atteints de névrose sous leurs aspects policés.

Idem pour Anna, représentante de l’autorité, qui vit avec sa fille Iris (Pola Geiger) recluse dans sa chambre et ne sortant jamais sous prétexte d’être porteuse du mauvais œil. Elle résume à elle seule la situation de l’ensemble de ce groupe de personnages enclins à la délation lorsqu’un résident enfreint les règles et à la pratique sportive régulière, notamment le golf. Tout ne semble donc pas tourner rond et la mort d’un chien crée une sorte de déclencheur de la montée des suspicions et de l’agressivité de ces hommes et femmes mus par la peur des autres.

Si l’idée de l’enfermement et de la déliquescence des relations humaines est un sujet intéressant, Natalia Sinelnikova a parfois du mal à trouver le ton juste entre froideur esthétique et scénario engoncé dans un lieu clos dont on a du mal à identifier des enjeux plus forts que le concept original. La réalisatrice tente ainsi d’instiller un climat angoissant et une mise en scène originale, notamment dans la première moitié du film, mais patine quelque peu sur la longueur sans parvenir, à mon sens, à l’essence même de son sujet. On saluera néanmoins cette tentative dont la particularité vient également de l’utilisation de la mythologie juive accompagnée de chants et de comptines yiddish.

 

3/6

 

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Commentaires: 2
  • #1

    Adrien (mardi, 13 septembre 2022 21:21)

    Dommage pour We Might as Well be Dead, le point de départ a l'air sympa et citer Ballard est toujours un bon signe. Je le tenterai quand même, ta dernière ligne sur l'utilisation de mythologie méconnue me tente bien. La programmation a l'air quand même vachement ciblée film d'auteur cette année, non ?

  • #2

    Roggy (mercredi, 14 septembre 2022 09:19)

    La programmation n'est pas forcément ciblée film d'auteur d'habitude, mais cette année il manque les films d'horreur et les plus percutants voire gore.