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3e jour à l'Etrange festival

Une plus longue review aujourd’hui avec 4 titres avec pour commencer avec deux longs-métrages de Bert I. Gordon, le thriller Picture Mommy Dead de 1966 et le policier Le Détraqué de 1973. Avec dans la foulée la comédie américaine assez folle The Sweet East de Sean Price Williams, et de terminer avec un conte morbide mais poétique Moon Garden de l’américain Ryan Stevens Harris.

 

 

PICTURE MOMMY DEAD - USA – 1966 - Bert I. Gordon

Hommage à Bert I. Gordon

 

Pitch : Après quelques années d’internement, la jeune Susan Shelley revient vivre avec son père et sa belle-mère dans le domaine familial où sa mère mourut devant ses yeux.

 

Pour ma première projection de cette rétrospective Bert I. Gordon, je tombe finalement sur un de ses films sans doute le moins représentatif de sa carrière. En effet, le réalisateur délaisse un temps les animaux monstrueux et les géants pour se focaliser sur le microcosme d’une famille en lambeaux depuis le décès mystérieux de la maîtresse de maison Jessica Shelley (Zsa Zsa Gabor, Moulin Rouge) dans un rôle assez effacé essentiellement présenté sous forme de flashbacks. Dès l’ouverture, le réalisateur initie un climat de malaise autour de la sortie de la jeune Susan Shelley (Susan Gordon, la propre fille du cinéaste) d’un hôpital psychiatrique perturbée depuis la mort de sa mère et soi-disant capable de violence irrépressible.

Elle est recueillie par son père Edward Shelley (Don Ameche, Cocoon) et Francine (Martha Hyer, Some Came Running) l’ancienne gouvernante de Susan et désormais épouse d’Edward. Susan est-elle au bord de la folie ou bien en plein machination ? C’est l’objectif fixé par le scénario de cette fiction macabre aux influences Hitchcockiennes sise dans le décor d’un manoir de campagne nimbé sous une atmosphère de maison hantée au milieu des manipulations mentales d’un William Castle. Ce mélange presque horrifique irise Picture Mommy Dead et la descente aux enfers de la jeune fille persuadée d’entendre des voix, d’apercevoir le fantôme de sa mère et de revivre inéluctablement le soir tragique de sa mort, ou plutôt de son assassinat suite à un feu dans sa chambre, croyant être l’autrice de ce parricide.

C’est en substance l’essence du film, la découverte de l’auteur du drame parmi un casting somptueux où, chacun à leur tour, les protagonistes semblent coupables ou au moins avoir eu une raison valable d’en vouloir à la maîtresse de maison. Le script explore ainsi les pistes, les velléités très claires de Francine d’éliminer sa belle-fille afin que son nouveau mari récupère l’héritage léguée par Jessica à Susan. La séquence des conditions du testament par le notaire (Wendell Corey avec son accent incompréhensible et sa façon de manger les mots) est particulièrement savoureuse, elle induit l’enjeu majeur de la famille pour recouvrer le magot, la disparition ou l’internement de Susan, y compris son oncle Anthony Flagmore (Maxwell Reed) au visage à moitié brûlé dont la première apparition derrière une port renvoie aux personnages d’intendant de château au faciès déformé dans les productions d’épouvante. titillé sensuellement par une Francine plus machiavélique que jamais.

Ce récit se double de séquences où Susan a des hallucinations, le sang dégouline du portrait peint de sa mère, l’attaque sanglante de l’aigle. Malgré des dialogues ciselés et un humour pince sans-rire, Picture Mommy Dead fait un peu du surplace et prend ses aises en son centre pour développer cette histoire dont on conçoit rapidement tous les contours, avant une dernière partie beaucoup plus explicite et révélatrice de l’identité du tueur. Dommage que la sauce ne prenne pas totalement malgré les bonnes intentions sous ces auspices gothiques, de quelques effluves d’inceste et de son envie de manipulation d’une gamine traumatisée.

 

3,5/6

 

LE DETRAQUE- USA - 1973 - Bert I. Gordon

Hommage à Bert I. Gordon

 

Pitch : Un inspecteur doit faire face à un poseur de bombes s’étant donné pour mission de s’attaquer aux vices et à la débauche d’un Los Angeles en perdition...

 

Deuxième film du cycle Bert I. Gordon sans géant mais avec une humanité agressive envers la société des années 70 et en particulier les femmes, régulièrement harcelées, prises à partie jusqu’au viol comme si les hommes ne pouvaient réfréner leurs instincts primaires. L’intrigue de base repose sur les attentats à la bombe commis par William Dorn (Chuck Connors, la série L’Homme à la Carabine) dans la ville de Los Angeles. Avec son allure de grand échalas, son costume bien tiré, ses petites lunettes et son visage taillé à la serpe, le « Mad bomber » ne passe pas vraiment inaperçu, d’autant plus qu’il n’hésite pas à interpeller les passants s’ils ne respectent pas le code de la route ou ne sont pas polis. De fait, Dorn commet des carnages aux quatre coins de la cité des anges au grand dam du policier Geronimo Minelli (Vince Edwards, L’Ultime Razzia) lancé à sa poursuite.

Avec Le Détraqué (en vo The Mad Bomber mais aussi le titre du générique à l'écran The Police Connection), Gordon explore les affres d’une Amérique gangrénée par la violence et suit en parallèle les exactions commises par George Fromley (Neville Brand, La Neuvième Conjuration), un violeur en série. Il est le seul à avoir croisé Dorn et à pouvoir le reconnaître, alors que la police n’a aucun indice. L’inspecteur Minelli lance les recherches, et le scénario de développer une double intrigue. En la matière, Gordon ne se prive pas pour dépoiler ses actrices, des stripteaseuses aux victimes agressées par Fromley avec une gratuite toute dévolue aux films d’exploitation (les séquences de viol, le visionnage des films pornos de la femme de Fromley) mais n’amenant pas grand-chose au film hormis un sentiment de voyeurisme.

Le métrage s’avère même un peu redondant en son centre, plombé par un budget riquiqui ne permettant pas de donner une ampleur plus importante et de rentrer dans la psychologie des personnages tous plus caricaturaux les uns que les autres. Même si le bomber est traumatisé depuis la mort de sa fille, ses motivations et sa folie en font une sorte de vengeur contre une Amérique plus vraiment conservatrice s’entrechoquant avec la présentation d’un machisme ambiant (les hommes sont tous des violeurs en puissance) et de le libéralisme des mœurs. Gordon emballe rapidement le dernier tiers avec une résolution pas vraiment crédible, mettant en valeur la figure détraquée et impressionnante de Chuck Connors.

 

3,5/6

 

 

THE SWEET EAST – USA – 2023 – Sean Price Williams

En compétition

 

Pitch : Pendant un voyage scolaire, Lillian fugue et parcourt la côte Est des États-Unis, d’état en état, au fil de ses rencontres, du groupe de punks au suprémaciste romantique en passant par des islamistes amateurs d’électro...

 

Avec son premier long-métrage, Sean Price Williams n’est, à sa manière, pas si éloigné du Mad Bomber de Bert I. Gordon dans sa manière de dépeindre une société américaine en perdition de ses repères et des personnages laissés pour compte et déjantés. C’est finalement le sujet de The Sweet East, sorte de road trip halluciné sans réel fil conducteur, à l’exception des tribulations de la jeune et jolie Lilian s’escamotant d’un voyage scolaire pour faire l’école buissonnière et découvrir l’apprentissage de la rue au gré de ses différentes rencontres. Sur un ton léger et quelque peur ironique, Williams construit un film à la fois bancal et attachant au milieu d’une humanité interlope, des punks activistes, aux suprémacistes blancs, en passant par un couple de producteurs/réalisateurs de cinéma afros complètement allumés. Bref, le film part un peu dans tous les sens (un brin de comédie musicale, de l’animation) pour aboutir à une espèce de conte irrévérencieux qui pourra en rebuter certains.

Les autres apprécieront ces changements de ton et la comédie sous-jacente au contact de situations incongrues, presque surréalistes, portés par la révélation Talia Ryder. Un bout de femme à la fois ingénue et intrépide pour s’accoquiner avec le premier venu afin de mener sa quête de liberté et de s’affranchir de sa condition familiale pauvre et déjà écrite. Elle se confronte ainsi à une population hétéroclite et le scénario de suivre ses errements avec une frénésie et un humour communicatif. On a un peu peur pour elle quand elle rencontre le pas très clair et cinquantenaire Lawrence (Simon Rex, Scary Movie 5) attirée par Lilian et trafiquant avec des extrémistes, et on se marre quand elle fait face à un campement d’entraînement de djihadistes aux méthodes bizarres dans la campagne ricaine.

Entre des dialogues ciselés et référentiels (la séquence du casting) et des moments loufoques (un tournage virant au massacre), The Sweet East tient malgré tout la rampe alors qu’il aurait pu tomber dans le portnawak, irisé par une poésie élégiaque d’une Amérique sans doute un peu malade (surtout dans les yeux d’un européen pour faire référence à une réplique du film) et à des personnages à la folie douce, tout en évoquant avec plus ou moins de finesse les questions contemporaines du racisme, du complotisme et de l’acceptation de la différence. Certes, le récit se maintient sur un film mais toujours, à mon sens, avec sa propre élégance et la performance magnétique de Talia Ryder.

 

4/6

 

 

MOON GARDEN – USA – 2022 - Ryan Stevens Harris

En compétition

 

Pitch : Dans le coma, la petite Emma erre dans le monde de ses rêves, féerique et industriel, hanté par un monstre qui se nourrit de ses larmes.

 

On se souvient de The Cell de Tarsem Singh et du sous-genre de l’exploration de la psyché humaine dans un corps inerte. C’est un peu le cas ici avec Moon Garden, traité sous l’angle du conte macabre où la petite Emma est plongée dans le coma suite à un chute engendrée par la dispute de ses parents. Avec une touche tout à fait singulière, Ryan Stevens Harris construit une œuvre atypique permettant au spectateur de rentrer littéralement dans le cerveau de la petite fille pendant son coma et de de matérialiser ses pensées (très sombres) et imaginer ses visions fantasmées.

Moon Garden bascule rapidement dans l’onirisme dans la mesure où le récit est perçu à hauteur d’enfant, à la fois dans le réel où elle s’angoisse du conflit familial ouvert et dans le monde recrée de son sommeil paradoxal. A ce moment-là, le film bascule dans l’irréel, sans véritablement de dialogue, laissant libre court aux flâneries d’Emma et à ses confrontations avec une faune extrêmement agressive, catalysant le moment terrible qu’elle est en train de vivre et de subir. Malgré une photographie très terne, le film parvient à instaurer un climat dérangeant, vénéneux, remplis de créatures horrifiques à l’instant de ce boogeyman crée magnifiquement à partir d’un long manteau, d’une casquette et d’un dentier crochu. Il est le symbole des tourments poursuivant la gamine.

On est d’ailleurs bluffé par la performance hallucinante de Haven Lee Harris (elle n’a pas plus de 3 ans) face à ses propres monstres dans un univers fait d’entrepôts délabrés, de tuyaux et d’une kyrielle de créatures fantasmagoriques situés entre Tetsuo, l’univers de Tim Burton et les relents scarificateurs d’un Clyde Barker. Un attelage particulièrement étrange d’où émane une poésie macabre mais jamais pesante grâce à la magie de la petite Emma et sa capacité à se sortir de situations quelque fois horrifiques (quelle direction d’acteur !). Le réalisateur ne tombe pas non plus dans la caricature de l’au-delà, son histoire s’incarne au travers des éléments du réel, d’une radio pour entendre les véritables dialogues de ses parents dans sa chambre d’hôpital, aux flashbacks subtilement amenés afin de faire écho aux événements supportés lors de son coma.

Moon Garden est également pourvu d’une beauté visuelle irrésistible grâce à des décors de studios récréant un monde imaginaire tortueux (la créature aux doigts et aux chicos pointues capable de se déplacer sans toucher le sol est particulièrement effrayante) à des séquences plus légères comme le réveil d’un merveilleux rhinocéros malhabile confectionné avec des éléments de récupération de chantier que n’aurait pas renié un Michel Gondry. A l’image de ce personnage, le film regorge de trouvailles et de symboles afin de donner un aspect irréel mais totalement crédible dans son engagement. La conclusion est certes un peu trop conventionnelle, mais ne saurait pas remettre en cause cette proposition de cinéma originale et cette capacité à tutoyer la poésie malgré un sujet casse-gueule.

 

4/6

 

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