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Ouverture et 1er jour au PIFFF 2023

Ouverture au PIFFF 2023

 

Les premiers frimas du début du mois de décembre annoncent les festivités de la fin d’année mais également le lancement des festivals d’hiver et en particulier la cérémonie d’ouverture du PIFFF 2023 avec une salle comble et un guichet fermé pour l’entame. Toujours la même envie de découvrir des nouveautés (compétition de 10 longs-métrages), des films cultes et des sections parallèles. Bref, 26 films à dévorer pour les plus courageux (et noctambules) et, on l’espère, une petite perle pour nous ragaillardir à l’image du satirique et déjanté Dream Scenario de Kristoffer Borgli pour débuter la nouvelle campagne avec un hallucinant Nicolas Cage, après en apéritif le court-métrage Ada de la Française Anaïs Vachez.

 

 

DREAM SCENARIO – USA – 2023 – Kristoffer Borgli

 

Hors compétition

 

Pitch : Paul Matthews, un banal professeur, voit sa vie bouleversée lorsqu’il commence à apparaître dans les rêves de millions de personnes. Paul devient alors une sorte de phénomène médiatique, mais sa toute nouvelle célébrité va rapidement prendre une tournure inattendue…

 

Dès la séquence d’ouverture où des objets tombent du ciel dans un jardin sous le regard stoïque d’un Nicolas Cage sans réaction, le spectateur comprend qu’il a emprunté les chemins d’une odyssée à la fois non-sensique et débridée dans cette comédie fantastique avec à la baguette un Mister Cage rarement aussi juste dans sa proposition de jeu. Il est l’incarnation même de l’anti héros sur lequel les feux sont braqués sans raison afin de le sortir de son anonymat, un peu comme Kad Merad dans Superstar de Xavier Giannoli. Sauf qu’ici, l’aspect surréaliste prend le dessus, Paul Matthews (Cage) apparaît subitement dans les rêves de milliers de personnes, à commencer par ses étudiants à l’Université.

Avec ce film Kristoffer Borgli (Sick of Myself) explore les affres de la célébrité par le prisme de la comédie aux confins du surréalisme avec une maestria et un jusqu’au-boutisme très plaisant à l’écran. Le film navigue ainsi entre l’humour d’un Woody Allen, l’univers de Spike Jonze couplé à celui de Michel Gondry, nimbé de l’auréole de Freddy Kruger pour les surgissements parfois sanglants au milieu des cauchemars. Bizarrement, ce postulat de base s’imbrique parfaitement dans le récit et crédibilise une situation de départ complètement farfelue. Surtout que ce pauvre Paul Matthews est une sorte de loser des temps modernes, un prof oublié de lui-même et de la société, à la vie sans saveur avec sa femme Janet (Julianne Nicholson, Togo) et ses deux filles, perturbé du jour au lendemain lorsque des inconnus initient des regards trop appuyés. Un contexte anxiogène proche de l’excellent et récent Vincent Doit Mourir de Stephan Castang avec un Karim Leklou lui aussi désorienté.

Dans ce même rôle candide, Nicolas Cage explose à l’écran, il est juste extraordinaire dans son incarnation du boomer délaissé, aigri et sans aucun avenir. Avec ses épaules voûtées, sa démarche mal assurée et sa calvitie accentuée, Cage compose un personnage pathétique aux antipodes de ses rôles habituels de psychopathe ébouriffé (voir la séquence hyper gênante avec une jeune fan). Il est ici extrêmement attachant dans sa médiocrité, aspirant à la reconnaissance malgré son sentiment d’infériorité entretenue par ses proches, ses étudiants et ses pseudos amis qui organisent des dîners mondains sans lui. Un sans-grade qui, instantanément, se transforme en super-héros grâce à ses apparitions inopinées dans l’intimité des rêves des gens et par le biais des réseaux sociaux, capables en un clic de défaire tout ce qu’ils ont encensé. Dream Scenario génère instantanément une réelle empathie pour son héros tout en dénonçant avec humour une Amérique (et le monde capitaliste en général) finalement assez creuse, avide de sensations éphémères et de buzz sans futur (voir la scène ubuesque avec un Michael Cera acerbe afin de commercialiser l’aura soudaine de Paul pour un soda).

Avec son comique de situation où chaque arrivée de Nico est un bonheur absolu (Cage est étrangement très sobre), Dream Scenario fonctionne sur ce ressort de décalage permanent où l’ensemble des personnages serait des caricatures d’elles-mêmes, pour mieux être brûlées après avoir été montées au pinacle dans une dernière partie beaucoup plus dramatique quant au sort réservé à Paul. Même si on aurait aimé aller encore plus loin dans l’absurde, la force du film est de ne jamais s’essouffler, respirant au rythme d’un Nicolas Cage dans une de ses plus belles interprétation, et presque pas reconnaissable sous sa parka trop grande, sa barbe broussailleuse, ses lunettes et son regard mélancolique comme s’il s’était effacé derrière son rôle sans trop en faire, mais avec une justesse toute en harmonie avec le scénario. Et pourtant, comment ne pas voir en Paul une espèce d’ersatz de la face cachée du Cage des réseaux sociaux où il peut défrayer la chronique suite à une nuit trop arrosée, à la fois doux et sauvage à l’instar de Dream Scenario bourré d’humanité, d’humour, de violence physique et psychologique.

 

4,5/6

 

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