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Bilan de l'année 2021

On ne va pas s’appesantir sur le sujet, mais on a tous cru que l’année 2020 serait une des pires de notre existence à bien des niveaux, et finalement 2021 ressemble à sa sœur jumelle comme deux frères Bogdanov. Bref, pas facile d’en faire un bilan niveau sorties ciné tant la panse s’avère maigrichonne pour sustenter le cinéphage. Je préfère me tourner encore une fois sur les pépites des festivals et des VOD, cantonnés à errer sur les plateformes ou à rester oubliées sur un rayon poussiéreux. Pas la grande bouffe de cinéma donc mais du qualitatif avec comme tête de gondole le meilleur long-métrage vu cette année, le polar hard-boiled Hong-Kongais Limbo de Soi Cheang.

 

Je vous souhaite à toutes et tous une bien meilleure année que la précédente (j’avais déjà écrit cette phrase l’an dernier…).

 

 

Limbo – Hong-Kong – 2021 – Soi Cheang (Etrange festival)

Polar noir de jais, le film de Soi Cheang (Motorway, Marauder) est un uppercut visuel avec son histoire de tueur en série et de vengeance sans concession. Limbo est tourné dans un noir et blanc somptueux entre les ruelles étroites et jonchées de détritus d’une ville-monde où la misère la plus extrême côtoie les lambeaux d’une société à deux vitesses. Au milieu de cet univers cauchemardesque, sorte d’abyme à ciel ouvert où les camés frayent avec les prostitués, la police tente de retrouver un tueur adepte de la découpe des mains gauches de jeunes femmes dont les cadavres pourrissent dans les poubelles de Hong-Kong. Adossé à une photographie à tomber par terre, le réalisateur de Dog Bite Dog use de toute sa maestria esthétique afin de dépeindre cette ville au bord du gouffre. Il enchaîne les plans majestueux pour accentuer les situations de plus en plus macabres. On est véritablement au carrefour entre Seven et Memories of Murder pour ce polar poisseux et magnifique dans sa beauté crépusculaire. Il faut dire que Limbo fait mal à tous les étages, la bestialité psychologique et surtout physique des personnages (l’actrice principale prend cher tout du long et on a mal pour elle) inonde le récit à l’instar des trombes d’eau et de la tempête s’abattant sur eux. Proches d’un comportement animal d’auto-défense et de survie, les protagonistes sont poussés dans leurs derniers retranchements jusqu’à des pulsions de cruauté exacerbée. La grosse claque quoi.

 

 

Come True – Canada – 2020 - Anthony Scott Burns (VOD)

Come True (rebaptisé Bad Dreams pour sa sortie VOD) s’aventure sur les terres inconnues des songes, frontière intangible entre la réalité et l’inconscient. A l’image de son héroïne principale Sarah (frêle et excellente Julia Sarah Stone), le film baigne dans une atmosphère temporellement étrange, presque indéfinissable, située dans une petite ville d’Amérique du Nord. Immergé dans un récit à tiroirs, le spectateur se noie avec bonheur dans ce film où des scientifiques tentent de capturer les rêves tronqués de Sarah et des autres cobayes pour une expériences sur le sommeil. Aidé par une partition électro envoûtante, Anthony Scott Burns (Our House) crée un univers cohérent aux limites du réel où se confondent le cauchemar quotidien de la jeune femme et des hallucinations récurrentes distordant la réalité, comme si elle ramenait une présence de ses voyages nocturnes. Au-delà de l’ensemble de ses qualités, Come True vaut également la vision pour ses superbes travellings-avant dépeignant les cauchemars de Sarah. Une terre dévastée faite de corps entrelacées et de portes s’ouvrant sur la figure immobile d’une créature humanoïde. Surprenant et fiévreux.

 

 

The Dark and the Wicked – USA – 2019 – Bryan Bertino (Reprise Gerardmer)

Révélé par l’home invasion The Strangers en 2008, Bryan Bertino réalisateur et scénariste de Mokingbird et The Monster passe le cut avec cette histoire d’un frère et d’une sœur revenus dans la ferme familiale et confrontés à des manifestations surnaturelles. La nuit se pare d’un manteau de terreur et une indicible chape de plomb entoure la maison. Le mal rôde et semble vouloir entrer dans le nid familial de façon insidieuse en faisant perdre la tête aux occupants à coups d’hallucinations. Porté par une caméra lente et immersive, Bertino installe un climat oppressant. Une ombre dans un coin ou un bruit de porte se révèle effrayant dans ce film avare en musique et dans lequel la mise en scène provoque la peur, avec l’appui de quelques jumpscares mais sans abus, pour un modèle de terreur nocturne et invisible. Avec sa photographie magnifique et son casting remarquable (les réactions des personnages sont réalistes), The Dark and the Wicked convoque pas mal de références, de L’Exorciste avec un prêtre assez énigmatique au récent The Relic sur la question du deuil, voire au film de maison hantée par un esprit démoniaque à l’origine d’illusions cauchemardesques.

 

 

Mad God – USA – 2021 - Phil Tippett (Etrange festival)

Maturé pendant 30 ans par le célèbre magicien des effets spéciaux Phil Tippett (notamment auréolé de distinctions pour Jurassic Park ou Starship Troopers), Mad God cristallise toutes les obsessions, l’inventivité et la poésie d’un homme qui aime avant tout travailler la matière et créer de ses mains des mondes imaginaires loin de la féérie et des contingences hollywoodiennes. Le film est quasiment tourné en stop-motion, hormis quelques séquences avec des acteurs, pour caractériser un univers en déliquescence dans lequel un soldat recouvert d’une sorte de scaphandre de protection descend dans les entrailles d’un monde s’apparentant au nôtre certainement ravagé à la suite d’une guerre nucléaire. Cette virée en enfer, c’est aussi le moyen pour Tippett de dévoiler toutes les strates de son travail et de son talent au travers de la diversité des créatures rencontrées. Les profondeurs grouillent de monstres animés image par image au milieu d’une guerre incessante nous rappelant par instant les ombres de Terminator ou même de 2001, L’Odyssée de l’Espace pour l’apparition de monolithes. Car Phil Tippett est ici le véritable Dieu. Un démiurge qui met en valeur son imagination débordante et son amour d’un bestiaire hybride et dégénéré, tout simplement magnifique. La descente dans cette foire aux monstres est d’une grande fluidité visuelle et nous renvoie inévitablement à l’œuvre de l’autre génie, Ray Harryhausen. On ne pouvait sans doute pas lui rendre plus bel hommage.

 

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