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Soirée d'ouverture au PIFFF

 

Un an après l'épisode des "gilets jaunes", le PIFFF subit de plein fouet les grèves de transport pour sa 9e édition. Et pourtant, la salle du Max Linder était presque pleine et le guichet fermé pour assister à la soirée d'ouverture finalement très vite emballée avant la projection du nouveau film de Richard Stanley Colour out of space. Affublé de son chapeau légendaire, le cow-boy Sud-Africano-Catalan semble toujours aussi allumé à sa façon de présenter son long-métrage. Normal, me direz-vous pour une adaptation d'un texte de Lovecraft. C'est donc le début d'un programme festivalier copieux agrémenté d'une journée supplémentaire, avec lequel il va falloir jongler, à l'image des métros aussi rares et précieux que les attentes des spectateurs.

 

 

Passons rapidement sur le court-métrage d'ouverture Abyssus du finlandais Kim Westerlund qui en 9 minutes ne propose pas grand-chose hormis le réveil d'un homme dans un cercueil. Version courte de l'excellent Buried (Rodrigo Cortés, 2010), le film vaut pour son climax et se termine au moment où il aurait dû commencer. Dommage.

 

 

Film d'ouverture

 

COLOUR OUT OF SPACE - États-Unis/Portugal/Malaisie - 2019 – Richard Stanley

 

Pitch : Les Gardner ont à peine le temps de s'habituer à la vie de la campagne qu'une météorite explose dans leur jardin en pleine nuit, dans un halo d'une lumière qui n'existe pas. Peu à peu, la propriété familiale semble contaminée par un mal indicible, qui affecte la flore, la faune... et les Gardner.

 

 

Richard Stanley avait quelque peu disparu du paysage cinématographique, aperçu une dernière fois sur les rivages de L'île du Docteur Moreau. Il est néanmoins de retour après un documentaire ésotérique, un segment pour l'anthologie horrifique The theatre bizarre et quelques scénarios, avec ce nouveau long-métrage en forme de rédemption et de sortie d'un purgatoire certainement immérité. Le réalisateur de Hardware et Le souffle du démon est en parfaite harmonie avec la psyché psychédélique d'un Lovecraft. Avec Colour out of space, le sympathique Richard Stanley revient aux affaires et montre l'étendue de son talent, évanoui trop longtemps dans l'écume d'un tournage maudit.

Adapté d'un texte du célèbre écrivain H. P. Lovecraft, « La couleur tombée du ciel » part d'un postulat relativement simple. Une météorite atterrit dans le jardin d'une famille et influe ostensiblement sur leur comportement. Une famille moyenne mais dysfonctionnelle entre une mère en phase de reconstruction après une longue maladie (Joely Richardson, la série Nip/Tuck), une adolescente en rébellion versée dans les sciences occultes (Madeleine Arthur, Big Eyes), et ses deux frères soumis. Cette organisation est menée par un père (Nicolas Cage) en quête d'autorité, possédant un certain décalage notamment parce qu'il élève quatre alpagas bien poilus dans la grange de son jardin. Si le film débute presque comme une comédie dramatique familiale teintée d'humour dans les situations (la traite des alpagas) et les dialogues, Colour out of space vire de bord dans sa deuxième moitié et emprunte les chemins de l'horreur avec une radicalité impressionnante.

Au moment où la couleur violacée tendance rose se propage à la petite phratrie, les obsessions de Lovecraft se font jour. Les comportements changent, la notion de temps devient plus aléatoire et les personnages semblent perdus au milieu d'une nature modifiée inexorablement par ce caillou tombée du ciel. Et Richard Stanley de se fondre à son tour dans ce maelstrom d'hybridation narrative en ajoutant ses croyances pour les mondes imaginaires invisibles. Cet univers coloré et cauchemardesque lui sied à merveille avec en toile de fond un discours écologique sur la pollution de l'eau entretenu par le personnage de l'hydrologue (Elliot Knight). Cet attelage hétéroclite donne un long-métrage hybride et fascinant, porté par une photographie magnifique de Steve Annis et des effets spéciaux réussis apportant toute la dimension fantastique à une entreprise qui aurait pu rapidement se casser la gueule.

Car l'adaptation du texte de Lovecraft n'a pas dû être aisée afin de faire ressortir les sensations dimensionnelles et délirantes vécues par les protagonistes du récit. Malgré quelques faiblesses, inhérentes à un retour après une longue absence, Stanley s'en sort avec les honneurs et ne trahit pas le maître de Providence. Son scénario est charpenté et l'horreur s'insinue progressivement jusqu'à une acmé convoquant les fantômes de Cronenberg et de Carpenter. Bref, la mutation prend forme avec une jouissance certaine sans franchir les limites du ridicule, malgré la prestation hallucinée d'un Nicolas Cage en mode Mandy qui pète gentiment les plombs à son habitude. Mais il n'est pas au centre de l'histoire, juste un acteur subissant les assauts sourds et insidieux de cette entité venue de l'espace. Elle irise l'environnement jusqu'à irradier de sa beauté vénéneuse les âmes et les corps contorsionnés et suppliciés.

Les références à The thing ou au Society de Brian Yuzna ne sont pas usurpés à voir le sort réservé à certains membres de la famille au milieu d'un chaos ambiant où humains et animaux passent sous le contrôle de la contagion chamarrée. Grâce à de très belles créatures en prothèse à l'ancienne, le film fait plaisir à voir et va au bout de son délire tant visuel que malsain, avec toujours un humour au second degrés (l'apparition de Marlon Brondon dans la télévision, référence au film dont Richard Stanley s'est fait bouter) et un Cage à la mèche baladeuse. Au final, Colour out of space réussit le pari de transposer à l'écran l'exubérance des écrits de Lovecraft au sein d'une œuvre aussi folle que les choix de carrière de Nicolas Cage. Il faut espérer la carrière de Richard Stanley également relancée, car le bonhomme mérite de continuer à tourner.

 

4,5/6

 

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