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8e Jour à l'Etrange Festival

Cette nouvelle journée à l’Etrange se place sous le signe de l’enfance maltraitée avec Impetigore la nouvelle œuvre horrifique de l’Indonésien Joko Anvar, et le très beau et déstabilisant The Trouble with Being Born de l’autrichienne Sandra Wollner.

 

 

IMPETIGORE – Pas de peau - Indonésie – 2019 – Joko Anwar

Mondovision

 

Pitch : Lassée d’une vie urbaine indigente où seule sa meilleure amie Dini la réconforte, Maya décide de rejoindre avec elle son village natal. Elle espère revoir la maison familiale désormais abandonnée, dont elle a hérité. En arrivant sur les lieux, elles découvrent des habitants hostiles...

 

Joko Anwar s'est fait une place de choix dans le concert de l'horreur mondiale notamment avec des titres comme Modus Anomali en 2012, Satan’s Slaves en 2017 ou l'an dernier le long-métrage de super-héros Gundala. Il revient avec un nouveau film horrifique traitant d'une malédiction locale. Suite à l'agression d'un homme dans la cabine de péage où elle travaille et la découverte d'un papier incrustée dans sa cuisse de nombreuses années auparavant, Maya (Tara Basro, Killers) décide de revenir dans le village de sa jeunesse accompagnée de son amie Dini (Marissa Anita, Gundala).

Annoncé dans la présentation comme un choc frontal et un film extrêmement violent, Impetigore n'émarge pas en fait dans cette catégorie malgré quelques plans sanglants, tout relatifs comptes tenus du sujet et de son auteur. Finalement, le long-métrage déçoit dans les grandes largeurs du fait d'une très longue mise en place et d'enjeux vite dévoilés, à partir du moment où les deux jeunes femmes débarquent dans un village loin de tout et mené par Ki Saptadi (Ario Bayu, Headshot) semblant faire la pluie et le beau temps dans la petite communauté. Il est également un spécialiste du spectacle de marionnettes pratiqué en ombres chinoises pour divertir une population méfiante et peu accueillante.

Comme souvent chez nos amis indonésiens, les malédictions ont la dent dure et les fantômes d'enfants errent dans les recoins des maisons abandonnées afin de terrifier Maya et Dini ou bien finalement de les aider à arrêter le problème récurrent du village, tous les enfants naissent sans peau et sont noyés dans la foulée comme des chatons malades. Si la photographie est magnifique pour mettre en valeur la jungle locale donnant un aspect gothique aux demeures et rappelant les plus belles heures des grands classiques du fantastique lorsque les habitants, brandissant leurs torches, recherchent Maya pour lui faire passer un sale quart d'heure, force est de constater qu'Impetigore peine à trouver la bonne cadence.

Hormis la beauté des images et quelques bonnes idées comme le spectacle de marionnettes (la tradition du wayang), l'utilisation de la peau des victimes à des fins inattendues, les flashbacks censés expliquer l'origine de la malédiction n'apportent pas suffisamment de puissance narrative au long-métrage. Car l’histoire originelle est rapidement mise en lumière et le film tourne vite au jeu du chat et de la souris entre Maya et les paysans du coin sous le joug d'un homme autoritaire et de pratiques maudites. Dire qu'on attendait plus de Joko Anwar est un euphémisme, Impetigore s'avère décevant sur la durée et n'apporte pas suffisamment d'originalité à son histoire y compris dans son traitement.

 

3/6

 

 

The Trouble with Being Born – Moutons électriques – Autriche/Allemagne – 2020 – Sandra Wollner

Mondovision

 

Pitch : Elli, une androïde ayant l’apparence d’un enfant, vit dans une maison près d’une forêt avec un homme qui la traite comme s’il était son père. Programmée avec des souvenirs qui ne lui appartiennent pas, elle est conditionnée à servir son propriétaire, quels que soient ses désirs... Mais pour combien de temps encore ?

 

Trouble est certainement le mot qui sied le mieux au deuxième film de Sandra Wollner. A la fois beau comme une fin d’été élégiaque et malaisant face au sujet évoqué, The Trouble with Being Born est une expérience assez étrange anticipant un monde où les robots remplaceraient les humains disparus, à l’instar de d’Elli (Jana McKinnon, déroutante dans son interprétation) petite fille d’une dizaine d’années censée rappelée à son père une présence oubliée dont les attitudes ambiguës irisent le film avec une pudeur aux frontières du voyeurisme. Le film évolue clairement sur la corde raide sans jamais basculer dans l’horreur d’une pédophilie qui ne dit pas son nom mais naît progressivement des poses lascives de cette Lolita, aux attitudes paternelles de l’entame perdues sous les rayons chauds d’un été joyeux près d’une piscine.

L’innocence du début et les rires d’Elli font place à l’égarement des caresses d’un homme fasciné par cette créature après une danse au son du titre Lemon Incest. Jamais complice, la réalisatrice distille l’horrible vérité avec subtilité accompagnée de la froideur du père "nettoyant" sa vraie fausse fille lors d’une séquence déstabilisante. D’autant plus troublante que la beauté des images décuple ce sentiment de transgression couplé à une langueur visuelle et esthétique, au rythme des réflexions répétitives d’Elli d’une tristesse abyssale crées par des algorithmes et les paroles de son père de substitution.

The Trouble with Being Born dégage ainsi une aura déconcertante à l’image de la petite Elli dont les pensées sont également ébranlées comme si elle prenait une forme d’autonomie au point de fuir, de trouver un nouveau foyer et changer de genre et d’identité. Une autre maison mais la même utilisation d’un androïde pour pallier l’absence d’un être cher à l’instar du chien de la maison dont on se demande si lui non plus n’est pas une réplique tant son attitude de suiveur reflète celle du désormais petit Emil. Condamnés à errer dans ces limbes de conformisme, ces êtres à l’enveloppe de poupée ne sont là que pour satisfaire le plaisir pervers d’une humanité incapable de faire le deuil de sa propre existence.

Si on pense à beaucoup d’œuvres évoquant le même sujet, de Blade Runner à Ex-Machina avec en ligne de mire Lolita, The Trouble with Being Born trouve dans sa propre cadence et son autonomie grâce à une mise en scène sobre et fixe mais jamais ennuyeuse. Dans cette société d’un futur proche, les tabous sont tombés et les personnages sont mus par leur désir d’étancher leur bonheur de manière clinique quel qu’en soit le prix. En sommes-nous déjà à ce stade ? Sans doute pas, mais récemment les poupées sexuelles représentées avec des visages d’enfant, retirées de la vente témoignent subrepticement de la tendance à venir, d’autant plus le jour où la technologie permettra l’émergence de ces androïdes confondant de vérité.

Après son passage à Berlin et l’annulation de la projection en Australie, le long-métrage de Sandra Wollner a créé la polémique jusque dans les travées de l’Etrange Festival accusant la programmation de mettre en valeur la pédophilie. A la vision du film, on comprend tout l’inverse, l’œuvre n’est jamais complaisante, elle montre une possible dystopie avec une acuité remarquable même si The Trouble with Being Born s’avère déstabilisant et tourne encore en nous après son visionnage.

 

4/6

 

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