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3e Jour à l'Etrange Festival

En ce 3e jour, le bon goût et la bienséance ont foutu le camp avec deux films bien déviants. Lloyd Kaufman ouvre les hostilités avec son dernier rejeton toxique Shakespeare's sh*tstorm où des orques balancent de la merde sur les acteurs au milieu d'un film plus déjanté que jamais, avant de se finir dans les rues de Cap Town en Afrique-du-Sud avec Fried Barry de Ryan Kruger, cramé aux psychotropes et à l'enlèvement d'un alien quelque peu pervers. Quel beau programme !

 

Shakespeare's sh*tstorm – Monsieur Merde - USA - 2019 - Lloyd Kaufman

En Mondovision

 

Pitch : Sa carrière ruinée par des dirigeants pharmaceutiques avides et lubriques, le génial scientifique Prospero s’est réfugié à Tromaville. Lorsqu’il apprend que ces maîtres du mal et leurs invités de marque ont organisé une croisière de luxe en Corée du Nord, il utilise ses pouvoirs surnaturels pour jeter sur eux, grâce à un puissant laxatif de baleine, une tempête tout à fait spéciale, détruisant leur navire et les forçant à s’échouer... à Tromaville.

 

 

On sait très bien en rentrant dans une salle de cinéma pour visionner un film de Lloyd Kaufman que le spectacle sera à la hauteur de sa réputation et de son titre. Du haut de ses 75 ans, ce bon vieux Lloyd est de retour aux commandes, en tant que réalisateur et acteur de plusieurs rôles, avec cette adaptation en totale liberté de La Tempête de William Shakespeare. Forcément, l’œuvre de Bill est passée à la moulinette des géniteurs de Tromeo et Juliette avec la faconde et le mauvais goût inhérent au papa de Toxic. Tempête il y aura, mais ce sera une volée de merde en provenance directement des océans par l'entremise d'orques pas gênés de déféquer au même moment où une tempête se déchaîne.

Bref, avec un résumé comme celui-ci, on se doute de la portée toute littéraire du projet d'un Kaufman s'amusant comme un petit fou à détourner Shakespeare à la fois dans le rôle d'un savant fou à l'origine de la tempête où dans celui d'une femme décidé à se venger d'un oligarque. Etrangement, Shakespeare's sh*tstorm fonctionne du feu des pets intempestifs et récurrents de l'ensemble du casting improvisant très largement une première orgie dans un bateau avant de s'échouer à Tromaville et de recommencer à faire n'importe quoi. Comme un sale gamin qu'il est, Kaufman va jusqu'au bout de son délire et n'épargne rien ni personne en s'attaquant à moultes dérives de nos sociétés actuelles. Tout le monde y passe, des réseaux sociaux avec ses délateurs prêts à jeter en pâture le moindre quidam qui aurait pété de biais, aux blagues sur le communautarisme entretenues par le personnage de Caliban (Monique Dupree), sans oublier les grandes industries pharmaceutiques.

Le film en est bourré jusqu'à la gueule et lance son gros majeur à la face d'une Amérique pudibonde et sans cesse prête à s'autoflageller sur le rapport aux minorités. Il tire également à boulets rouges sur les grands pontes hollywoodiens et la bien-pensance (grand dada de Kaufman) grâce à un scénario qui n'en est pas vraiment un mais permettant de vagabonder dans un univers irrévérencieux et drôlatique. Car Shakespeare's sh*tstorm est foutrement comique dans sa vulgarité assumé (Bigard peut aller se recoucher) et condense un peu tous les charmes du cinéma décalé de la Troma. Des boobs, des sexes en érection, des marionnettes pour simuler des animaux et des personnages outranciers évoluent comme s'ils étaient dans une fête permanente. On reconnaît des références à la maison mère ainsi qu'à pas mal de films (Shining, Society) tel un hommage "merdique" à tout un pan du 7e art bafoué à la sauce Troma à base de matière fécale et de stupre.

Evidemment, le bon goût est allé se suicider pendant la projection, Kaufman ne reculant devant aucun excès visuel, du poulet à la bite droite comme un I violant une féministe, aux dialogues savoureux dézinguant le conformisme et le politiquement correct actuel. Souvent très drôle et sans temps morts, le film est en plus maîtrisé techniquement et visuellement sur la durée au milieu de ce joyeux foutoir recouvert d'un tapis de merde et de personnages hystériques. William Shakespeare apparaît régulièrement pour signaler que c'est la meilleure adaptation de son œuvre et nous sommes bien d'accord avec lui.

 

4/6

 

 

FRIED BARRY – Cramé - Afrique-du-Sud – 2020 – Ryan Kruger

 

En compétition

 

Pitch : Au Cap, Barry est un héroïnomane qui, malgré les supplications de sa femme, persiste désespérément dans la même voie. Après une violente dispute et une nouvelle injection, il est enlevé par des extra-terrestres. Désormais, il est persuadé qu’un alien a pris possession de son corps. C’est le début de tribulations hallucinées, de sexe et de sang.

 

Avant de se lancer dans le cinéma, Ryan Kruger a touché un peu à tout, de la série aux clips de groupes punk et metal. De retour en Afrique-du-Sud, il met en scène un drôle de premier long-métrage dont il émane de chacun de ses pores de la sueur et l'amour du cinéma. De la SF à l'horreur en passant par les grands classiques, Kruger rend hommage à la cinématographie qui nous est cher avec ce film décapant aux confins de l'errance psychédélique d'un personnage à la face émacié.

Shooté en 28 jours répartis sur un an et demi, Fried Barry est à plus de 80% improvisé par l'ensemble du casting quasi amateur sans que cela ne se ressente à l'écran. C'est la grande gageure du film réussissant à nous tenir en haleine avec son histoire abracadabrantesque. Barry (Gary Green, aperçu dans Escape Game) est un pauvre gars drogué qui traîne sa dégaine dégingandée dans les bars, les lieux de dope et la maison de sa femme et de son môme dont il se fout. Un jour, il est enlevé et reformaté par des extra-terrestres avant d'être balancé à nouveau sur Terre. Le début d'une errance glauque et sexuelle dans les bas-fonds interlope du Cap.

Difficile de résumer le film errant dans son scénario à l'image de cet échalas squelettique se mouvant tant bien que mal dans les rues au son d'un musique très Carpenterienne arrangé au son électro renforçant l'idée d'un trip permanent. Car Gary Green a déjà une tronche à faire fuir les honnêtes gens, et si en plus il se déplace comme Schwarzy dans Terminator en se déboîtant la mâchoire avec les yeux exorbités, on comprend l'hallucination dans laquelle il est plongé. A l'instar de la faune bigarrée croisée sur sa route, macs, prostituées, droguées et paumés constituent son lot quotidien. Fan des années 80, Ryan Kruger revendique d'injecter dans son film des hommages à E.T et à Rencontre du Troisième type, même si le spectateur pense beaucoup plus à Evil Aliens de Jack West ou à l’œuvre de Frank Henenlotter du fait du traitement horrifique et trash de certaines séquences, à l'image de l'accouchement rapide d'une prostituée après un simple coït quelques secondes auparavant.

Au-delà de cette déambulation sous acide, Fried Barry montre une humanité ravagée par la drogue, la violence sociale et l'incompréhension face à un homme mutique et différent dans son allure décharnée et totalement sous produit stupéfiant. Au final, le film réussit son pari un peu fou d'improvisation organisée grâce à la prestation de son héros principal tenant le métrage sur le fil de son corps osseux au milieu d'une faune perdue, entre scènes horrifiques parfois crus et moments de poésie involontaire. Sur la fin, Barry est enfermé dans une maison de fous (Kruger vénère Vol au-dessus d'un nid de coucous), car les autorités ne savent pas quoi faire de ce gars-là. A ce moment-là, l'extra-terrestre redevient humain et retourne parmi les siens.

 

4/6

 

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