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L'as de pique
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Soirée Perles rares vampiriques à la Cinémathèque
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2e Jour à l'Etrange Festival

Après une solide soirée d'ouverture, le festival se poursuit avec le surréaliste Black Journal de l'italien Mauro Bolognini, le fantastique australien Relic de Natalie Erika James et pour terminer le conte fantastique japonais Tesuka's Barbara de Macoto Tezuka. L'éclectisme comme diraient les Inconnus.

 

 

BLACK JOURNAL – Savon italien – Italie – 1977 - Mauro Bolognini

 

Pépites de l'étrange

 

Pitch : Italie, 1938. Léa, proche de la soixantaine, a tout de l’hôtesse idéale. Napolitaine émigrée du Nord, vouant un amour immodéré au seul fils qu’il lui reste, elle invite ses amies à prendre le thé et leur offre son savon maison, qui rend la peau si douce. Mais cette respectabilité n’est qu’une façade...

 

 

 

Inspiré d'un fait divers, Black Journal (Gran Bollito en VO, soit traduit en français « la grande bouillie » !) est un film assez étrange à bien des égards entre le drame social, la comédie à l'italienne et les effluves du giallo pour les meurtres. Mauro Bolognini (Quand la Chair Succombe, La Dame aux Camélias) part donc d'une histoire de femme tueuse pour développer un long-métrage classique dans sa forme mais perclus de détails très surprenants. En effet, les vieilles dames qui passeront sous le hachoir de Lea (Shelley Winters, La nuit du chasseur, Lolita) sont interprétées par des hommes (Max von Sydow, Alberto Lionello, Renato Pozzetto). Grimés et pomponnés, leur présence entretient cet aspect fantasque et surréaliste qui sied si bien au cinéma italien.

D'autant plus qu'on les reconnaît dans des rôles masculins en parallèle, notamment Max Von Sydow (L'Exorciste) dans celui de l'inspecteur menant l'enquête pour retrouver l'assassin. Malgré ces éléments iconoclastes, Black Journal a du mal à s'extirper de son carcan scénaristique et s'avère poussif sur la durée (2h00), surtout dans sa première heure bavarde, entrecoupée de séquences musicales et de discussions entre les personnages. Si l'ensemble du casting se prête au jeu avec bonheur, Shelley Winters porte le film sur ses larges épaules et compose une mère tueuse tyrannique avec sa famille, possessive avec son fils (Antonio Marsina) et odieuse avec sa future belle-fille (Laura Antonelli), à ses yeux voleuse de sa progéniture.

Au milieu de ce barnum humain, les meurtres au hachoir sur une table aménagée en planche à découper imposent un aspect horrifique, presque grand-guignolesque quand la grande serpe s'abat sur les victimes. Le sang gicle à gros bouillon au moment où la tête tranchée tombe ans la bassine comme une exécution arbitraire. Une fois bouillis dans la marmite, les restes des corps sont transformés en poudre venant agrémenter la farine pour la confection de gâteaux et en création de savon. Cet aspect sanglant et macabre contraste avec le reste du long-métrage plus léger naviguant entre la comédie satirique (les gâteaux sont consommés avec délice par l'ensemble des invités) et le drame social d'une Italie au bord du début de la Seconde guerre mondiale résonnant en toile de fond.

 

3,5/6

 

 

RELIC – Souvenirs éthérés - Australie/USA – 2020 - Natalie Erika James

En compétition

 

Pitch : Lorsqu'Edna, la matriarche et veuve de la famille, disparaît, sa fille Kay et sa petite-fille Sam se rendent dans leur maison familiale isolée pour la retrouver. Peu après le retour d'Edna, et alors que son comportement devient de plus en plus instable et troublant, les deux femmes commencent à sentir une présence insidieuse dans la maison. Edna refuse de dire où elle était, mais le sait-elle vraiment ?

 

Avec ce premier long-métrage, Natalie Erika James franchit les portes du fantastique avec une aisance et une maestria des plus déroutantes. Relic s'inscrit dans cette nouvelle mouvance de films de genre à l'instar du travail de Robert Eggers (The Witch) ou de l'australienne Jennifer Kent (Mister Babadook) qui plus ici est avec le regard féminin d'un jeune réalisatrice. Un vent de fraîcheur souffle à nouveau sur le cinéma fantastique et Relic est un de ses dignes représentants.

Un film de femmes mais pas forcément avec l'étiquette "féministe", il raconte le destin de trois générations rassemblées dans la demeure familiale où Edna (Robyn Nevin, Matrix Reloaded et Revolutions) vit seule. Disparue, sa fille Kay (Emily Mortimer, Hugo Cabret) et sa petite fille Sam (Bella Heathcote, Orgueil et Préjugés et Zombies) débarquent à la rescousse. Sur place, elles découvrent une femme abandonnée à sa folie en passe de perdre la mémoire au milieu de ses souvenirs.

Si Relic évoque la question de la vieillesse et la difficulté de subvenir au bien être des aînés, le film prend une tournure plus fantastique car la maison recèle en son sein des secrets enfouis au plus profond de ses murs. Dans les interstices et les encoignures du bois se cachent bien plus que l'usure du temps. Progressivement, les silhouettes fugaces et les bruits sont plus prégnants, tandis que la perte de contrôle de la vieille dame s'aggrave accompagnée d'une violence psychologique et physique caractérisée par l'apparition de tâches sombres sur sa peau.

Ce premier film envoûte littéralement par la qualité d'une mise en image sobre et efficace, mais surtout par la délicatesse de la réalisatrice pour évoquer la maladie et la dégénérescence d'Edna sous les yeux impuissants de sa famille. Cette réflexion sur le temps qui passe et la mort est enserrée dans un scénario intelligent où le fantastique s'immisce avec pertinence, par petites touches afin de faire évoluer l'histoire. Le casting irréprochable est au diapason du récit sans tomber dans un pathos larmoyant ou des jumpscares trop faciles. La suggestion fait son office et convoque le spectateur avec sa propre expérience du sujet.

La dernière demi-heure est encore plus réussie au moment où l'irrationnel prend le dessus sur la maisonnée et ses habitants. La maison respire encore plus fort, se mue comme si elle se réveillait au point de bouger les murs et créer de nouvelles pièces. Sans superflue visuel, Natalie Erika James instaure un climat d'angoisse psychologique à l'image de la maison devenue labyrinthique. La peur devient alors organique, la peau, la chair et les murs se confondent jusqu'à une dernière séquence d'une troublante beauté visuelle et émotionnelle, ouvrant la discussion à diverses explications sur l'origine et le pourquoi de la situation. Un coup de massue mais un coup de cœur. Bluffant.

 

5/6

 

TEZUKA'S BARBARA - – Japon - 2019 - Macoto Tezuka

 

En Mondovision et en présence de l'actrice Minami

 

Pitch : Muse des artistes, Barbara dissimule son véritable visage sous les traits d’une jeune paumée alcoolique à la dérive. Sa rencontre avec Mikura, un écrivain à succès tourmenté, sera explosive, l’entraînant dans une spirale amoureuse et créatrice aux confins de la folie.

 

 

 

Tezuka's Barbara est l'adaptation d'un manga d'Osamu Tezuka notamment créateur d'Astroboy. C'est son propre fils Macoto (la série animée Black Jack) qui prend les rênes du projet en y instillant ses propres obsessions. Si on ne connaît pas l’œuvre originale, le résultat à l'écran (avec comme directeur de la photographie un certain Christopher Doyle) s'avère très déroutant, prenant le spectateur à rebours dans son approche de la narration.

Le récit suit la rencontre d'un célèbre écrivain Mikura (Gorô Inagaki, 13 Assassins) et de Barbara (Fumi Nikaidô, Himizu) jeune alcoolique paumée qui devient sa muse et même plus, son amante à temps complet. Porté par une partition très jazzy rappelant à la fois les classiques hollywoodiens que le cinéma de la Nouvelle vague (Verlaine est cité), Tezuka's Barbara propose un parcours atypique sans entrave, avec une forme de liberté permettant au réalisateur d'oser un peu toutes les excentricités (sans doute en suivant les éléments du manga). A l'écran, cela donne des scènes décalées flirtant avec un fantastique fantasmagorique quasi surréaliste. Une femme se transforme en mannequin d'une boutique de vêtements, une autre en chien sans que cela ne semble surprendre l'ensemble du casting. L'irrationnel est également entretenu par la famille de Barbara qui organise une espèce de messe noire en guise de mariage où tous les participants sont nus.

Si le film tourne autour des affres de la création artistique, de la question de la notoriété et de la réussite sociale, il est aussi très orienté sur l'aspect sexuel. Mikura a du mal à refouler ses envies de coucher avec de jolies donzelles souvent accortes. Et le réalisateur ne se prive pas pour montrer les ballets de corps dénudés dans des milieux underground où se côtoient un ensemble de personnages interlopes à l'image du récit qui accompagne l'errance des deux amants. A ce petit jeu, l'intrigue a tendance à se déliter progressivement à l'instar des deux protagonistes partis en vadrouille à la campagne perdus dans leurs sentiments, comme si tous les enjeux avaient été déjà abordés, surtout à partir de la séquence de sexe entre les deux héros filmés de manière ultra kitsch. Au final, il reste quelques idées et images intéressantes avec cette musique de film noir en surplomb, mais l'ensemble peine à convaincre sur la durée et claudique dans son surréalisme.

 

3/6

 

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Commentaires: 4
  • #1

    Moskau (dimanche, 20 septembre 2020 15:36)

    Excellente surprise que Relic, d'autant qu'il s'agit d'un premier film ! Emouvant, angoissant, maitrisé. Une réalisatrice à suivre.

  • #2

    Roggy (lundi, 21 septembre 2020 14:11)

    Et d'autant plus impressionnant que la réalisatrice semble vraiment toute jeune, elle a fait une intervention par écran interposée. Effectivement, c'est une réalisatrice dont il sera intéressant de regarder les prochaines productions, si elle a la chance de continuer.

  • #3

    Moskau (mardi, 29 septembre 2020 17:14)

    son prochain prochain projet serait l'adaptation en long-métrage de son court "Drum Wave". Quelques références à Rosemary's Baby et à The Wicker Man, pour une histoire se déroulant au Japon (si j'ai bien compris).

  • #4

    Roggy (mardi, 29 septembre 2020 20:55)

    Pas mal comme deuxième film sur le papier. J'espère pouvoir le découvrir.