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L'as de pique
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PIFFF 2023
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Soirée Perles rares vampiriques à la Cinémathèque
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Soirée d'ouverture 2020

 

Le masque et la plume

 

Jamais peut-être l'Etrange festival n'a aussi bien porté son nom en cette année si particulière sous l'égide d'un virus qu'on aurait préféré voir hanter les écrans des films d'horreur plutôt que notre quotidien. Cette 26e édition sera donc singulière mais bien réelle avec une jauge de 50 % dans les salles, des festivaliers masqués et du gel en guise de pop-corn. Les distances de sécurité respectées, nos hôtes ouvrent le bal sans flonflons ni trompettes avec la participation du Maire du quartier, et l'envie de continuer à vivre et d'entretenir la flamme du cinéma au travers d'un des premiers événements culturels à ré-ouvrir ses portes depuis plusieurs mois.

 

Le menu est certes moins copieux en nombre en comparaison des années antérieures mais reste alléchant avec, soyons-en certain, la découverte de nombreuses pépites et surprises qui continueront à nous émerveiller ou à nous irriter. C'est la magie du festival, le plaisir de retrouver des têtes connues, à distance respectable et à moitié cachées par une protection digne d'un post-apo, et un protocole d'entrée et de sortie bien encadrée. Au-delà des découvertes à venir, on ne souhaite qu'une seule chose, la sérénité et la santé pour profiter tranquillement des différentes réjouissances pendant 12 jours à commencer par Tomiris, film kazakh d'Akan Satayev et Possessor de Brandon Cronenberg.

 

Enjoy.

 

 

Film d'ouverture et en compétition

 

TOMIRIS – Girl power – Kazakhstan – 2019 – Akan Satayev

 

Pitch : L’histoire véridique de Tomyris, grande reine des Massagètes au VIe siècle avant J.-C. Après avoir vu périr ses proches, elle devint libératrice de son peuple contre le tyrannique Empire perse.

 

Quelle drôle d'idée d'ouvrir le festival avec un film en provenance du Kazakhstan me direz-vous (une autre production de ce pays est également programmée cette année). Et pourtant, l'Etrange nous surprend encore avec ce grand spectacle d'aventures relatant la vie légendaire de la Reine Massagètes Tomiris, un peuple nomade d'origine indo-européenne situé sur les plaines d'Eurasie centrale entre la mer Caspienne et d'Aral. Un peu d'histoire ne fait pas de mal d'autant plus lorsque Hérodote conte ce récit avec l'emphase des grands mythes des héros de l'Antiquité.

D'entrée, le réalisateur instaure une ambiance de grande fresque historique au son du galop des chevaux lancés à vive allure sur les steppes désertiques. Des guerriers chassent un cerf comme l'augure d'une future naissance, celle d'un fils. Or, le roi aura une fille, Tomiris qu'il élèvera comme un homme pour en faire une guerrière redoutée. Bref, tous les archétypes de la légende héroïque sont en place afin de mettre en lumière la future reine Tomiris dont le parcours très cimmérien est raconté grâce à la fluidité de la caméra d'Akan Satayev au milieu de magnifiques paysages.

On sentira donc bien quelques effluves de Conan le barbare dans le film, de l'enfance de Tomiris éduquée par son père jusqu'à la mort de ce dernier et ce désir inébranlable de venger le massacre de sa famille, en passant par le rève récurrent d'un griffon en feu annonçant inévitablement un futur malheur. L'ensemble fonctionne à merveille, le vent de l'épopée souffle sur les steppes, le scénario fait le job pour iconiser la petite fille, lui octroyer suffisamment d'ascendance légendaire et justifier une deuxième partie où, dans sa vie de femme, elle sera confrontée à un péril encore plus difficile.

Malgré un ventre un peu mou au centre du long-métrage au moment du passage de l'enfance à l'âge adulte avec la rencontre de son futur mari et la naissance de ses enfants, Tomiris enchaîne les morceaux de bravoure, les combats sanglants à l'épée et les grandes batailles jalonnant la destinée de la jeune femme pour aboutir à l'affrontement final avec Cyrus le roi des Perses bien décidé à lui ravir son royaume. A ce moment-là, Tomiris se pare des oripeaux d'un Léonidas à la bataille des Thermopyles, sans la grandiloquence de 300 mais avec la stratégie et la brutalité d'un peuple fier menée par une femme de caractère et de conviction.

Considérée comme la dernière reine des Amazones (même les femmes participent aux combats comme les Vikings), Tomiris est présentée comme une femme forte et autonome loin du cliché de la donzelle en danger. Sans entraves, ce sont elles qui choisissent leur mari et s'avèrent quasiment leur égal. Pour son premier rôle, Almira Tursyn assure le service par sa prestance notamment pour mener ses troupes lors de l'ultime bataille face au roi des Perses dans une mise en image digne des plus grands longs-métrages du genre. Le résultat est assez impressionnant à bien des égards et pourra même rappeler dans l'esprit et à l'image les productions historiques d'action asiatiques. Tomiris devrait sortir en DVD sous peu.

 

4/6

 

 

POSSESSOR – A ta place – Canada/UK – 2020 – Brandon Cronenberg

En compétition

 

Pitch : Agent d’une organisation secrète, Tasya utilise des implants cérébraux révolutionnaires lui permettant de commettre des meurtres en habitant le corps d’autres personnes. Assaillie par d’étranges pulsions, elle est à son tour piégée dans l’esprit d’un homme bien plus dangereux qu’elle, qui pourrait bien l’anéantir.

 

L'adage précisant que les chiens ne font pas des chats pourrait s'incarner avec la famille Cronenberg. On connaît le père David et son œuvre profondément organique et radicale. Son fils Brandon (Antiviral) semble prendre la même route avec ce thriller science-fictionnel aux saillies rouge sang, à l'image de la première séquence où une jeune femme tue un homme à coups de couteau avec une sauvagerie hystérique sans concession avant de se réveiller dans le corps d'une autre après une expérience technologique avancée.

Le spectateur est déjà un peu perdu dans ce maelstrom d'images et de sons sans pourvoir définir l'unité de temps ou le lieu de ces exactions. Brandon Cronenberg installe son récit par bribe et reconstitue le puzzle au travers du regard de Tasya Vos (Andrea Riseborough, Mandy) qui investit littéralement les corps de quidam choisis par une société secrète afin de provoquer des meurtres. Un implant dans le cerveau des victimes leur enlève toute liberté et permet à une autre personne de prendre possession du corps et de l'esprit. Sur ce postulat de film d'anticipation, Cronenberg fils construit un long-métrage étrange à la hauteur de son premier essai cinématographique et sous influence de son paternel quant à la dimension violente et sardonique de la société dépeinte.

Comme dans Antiviral, le réalisateur crée un monde froid, régi par les grandes multinationales. Il connaît la musique pour instaurer un climat anxiogène, sous la houlette du directeur de la photographie Karim Hussain, voire uchronique avec cette organisation menée par Jennifer Jason Leigh (eXistenZ) aux interrogatoires d'embauche pour propulser Tasya dans la vie d'autres personnes. A l'instar de celle de Colin Tate (Christopher Abbott, It Comes at Night), investit à son insu par Tasya afin de commettre un crime. Sauf que les choses vont tourner vinaigre, les deux personnages coincés dans ce même corps se percutent mentalement au point de se confondre par intermittence.

Le scénario à tiroirs se développe sur des séquences plus intimes (Tanya tente de se reconstruire avec la relation tendue avec son film s et son mari) et des fulgurances visuelles (la séquence de l'absorption du corps de Colin par Tanya) perclus de scènes ultra gore à base d'énucléation ou de tête explosée sous l'effet d'une balle. Une violence cathartique qui vient défoncer ce monde du paraître et du cynisme symbolisé par le personnage de Sean Bean. A ce moment-là, les images elliptiques et le son concrétisent la folie meurtrière incontrôlable déchaînée sous le regard d'un spectateur complice de ces exactions sanglantes et sans retour.

Présenté à Sundance en début d'année, Possessor joue la carte de l'outrance visuelle et gore jusqu'à l'excès, avec même la transgression de la mort frontale d'un enfant. A la vision du film, les pontes hollywoodiens auraient demandé à Cronenberg de revoir sa copie pour édulcorer les images et éventuellement sortir le film qui, en l'état devrait prendre les chemins de la vidéo ou d'une plateforme du fait de sa radicalité. Au final, Possessor s'avère une expérience trash et traumatique dont la filiation originelle et spirituelle ne fait aucun doute.

 

4/6

 

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