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8e jour à l'Etrange festival

 

Un mercredi placé sous les signe de l'histoire avec l’œuvre immersive et puissante The mute du polonais Bartosz Konopka, le très énigmatique et médiéval Ni dieux, ni maître du français Eric Cherrière, pour finir avec le quasi documentaire sur la société japonaise Family romance LLC de Werner Herzog.

 

 

THE MUTE – Mission - Belgique/Pologne – 2018 - Bartosz Konopka

 

En compétition

 

Pitch : En pleine ère médiévale, un évangéliste débarque sur une plage pour répandre la chrétienté auprès d’une tribu aux rites païens. Il va d’abord être secouru par un jeune homme sans nom, mais l’intégration va s’avérer plus compliquée que prévu.

 

On n'entre pas dans The mute comme dans n'importe quel film, il faut accepter cette caméra subjective et immersive pour suivre un homme s'affalant sur une plage d'une terre inconnue. Le début d'un voyage initiatique aux confins d'un monde oublié où la confrontation entre un peuple païen et le christianisme ne peut être que violente. Avec The mute, Bartosz Konopka (Fear of falling) réalise une œuvre à la fois sombre, austère et paradoxalement lumineuse d'où émerge une beauté brute et sans concessions.

Le jeune homme (Karol Bernacki) et l'évangéliste (Krzysztof Pieczynski avec son air de Donald Pleasance) intègre alors une forêt inextricable comme s'ils débarquaient sur une nouvelle planète jamais explorée. Face à eux, un peuple présenté comme primitif, recouvert d'une boue blanche leur donnant un aspect fantasmagorique bien à l'image de ce film qui alterne constamment entre la magnificence des images et les vénérations extatiques de ces hommes et de ces femmes qui parlent un langage inconnu. Porté par une caméra au plus près des personnages, The mute est pourtant une œuvre solaire. Elle bénéficie de l'apport de paysages somptueux et sauvages à l'instar de ces êtres qui vivent entre les interstices des rochers.

Au jeu des comparaisons, le film renvoie au Valhalla Rising de Nicolas Winding Refn et à Il est difficile d'être un Dieu d'Alexei Guerman pour la manière de filmer ces personnages. Unis, ils forment une seule entité rassemblée en une sorte de mêlée funéraire pour pleurer l'un d'entre eux. Mais, il y a aussi du 13e guerrier dans ce ballet tragique fait de cris et d'incompréhension. L'évangéliste est en mission pour contraindre ces hérétiques par tous les moyens, jusqu'au sacrifice et ce même si la parole n'a pas de sens. Les gestes suffisent à séparer ce peuple simple en deux clans dont l'un, rallié à la cause de l'évangéliste suite à une épreuve presque mystique, l'aide à construire une église, symbole de soumission absolue.

Si The mute n'est pas facile d'accès au premier abord, il s'avère une expérience puissante et organique à l'image de ce cinéma immersif et de cette histoire de conversion forcée. Le film évoque également ces regards perdus et incrédules des longs-métrages de Werner Herzog comme Aguirre, la colère de Dieu. Bref, The mute reste une expérience forte et habitée qui pourra rebuter. Pour les spectateurs qui s'immisceront au cœur de ces ténèbres, véritable antichambre de l'enfer sur terre, le voyage sera magnifique et sans retour.

 

4/6

 

 

NI DIEUX NI MAITRES – Le pacte des mous – France – 2018 – Eric Cherrière

 

Mondovision

 

Pitch : En l’an 1215, le terrible seigneur Ocam enlève une jeune fille dans un village. Avec l’aide d’un mystérieux étranger, quelques villageois décident de partir libérer la prisonnière.

 

Même époque mais autre lieu avec un tournage situé au sein des paysages vallonnés du Lot pour le deuxième film d'Eric Cherrière après le polar Cruel. Un autre cinéma également presque amateur dans sa conception, son budget et l'approche très erratique de ce moyen-âge où le Seigneur Ocam (Pascal Greggory, la série Section Zero) enlève Laure la fille d'un villageois (Jenna Thiam, la série Les revenants) pour la posséder avant le mariage entraînant la rébellion de ce dernier avec l'aide de ses compagnons. Résumer comme ça, Ni dieux, ni maîtres ressemble à un pitch classique de film d'aventures. Dans les faits, le résultat final n'est pas à la mesure de l'intérêt suscité par cette intrigue.

La faute à un scénario reclus par son manque de moyens et un casting trop disparate pour donner une véritable ampleur à ce projet. Comme dans son film précédent, Eric Cherrière réalise un long-métrage proche de l'amateurisme où les acteurs déclament avec plus ou moins de bonheur leur texte comme sur une scène de théâtre malgré la présence d'Edith Scob (Les yeux sans visage) ou Jean-Claude Drouot (éternel Thierry la fronde). Hormis la présence physique de l'ancien kickboxer Jérôme Le Banner pas si mauvais en final, le reste du casting s'en tire comme il peut mais reste décalé et invraisemblable tels ces chevaliers censés avoir participé à des croisades en terre sainte.

Au-delà de ces problèmes d'acteurs récurrents dans le cinéma français, l'écriture des personnages (la description ridicule de chaque chevalier) et le scénario en lui-même posent un certain nombre de questions. A commencer par les capacités d'art martiaux des pillards et de l'étranger (Saleh Bakri, La visite de la fanfare) qui vole au secours de Laure. Anachronique de les voir tous voltiger comme des Yamakasis comme un spin-off du personnage de Mark Dacascos dans Le Pacte des loups. Sauf que cette hybridation fonctionnait de par son aspect proche du merveilleux prégnante totalement assumée. Dans le film d'Eric Cherrière, le script se balade aux lisières du fantastique en évoquant Lovecraft et une légende oubliée sans parvenir réellement à ses intentions initiales malgré de beaux décors naturels mal exploités.

De fait, le film navigue régulièrement entre le film d'auteur (la scène gênante au château), les séquences de combat assez mal filmées (avec un mauvais raccord de la doublure de Pascal Greggory) et une trop grande ambition pour développer un monde médiéval totalement convaincant au vu des moyens déployés. A se demander néanmoins où est passé le million d'euros apparemment dépensé pour l'occasion...

 

2/6

 

 

FAMILY ROMANCE LLC – Faux semblants - USA - 2019 - Werner Herzog

Mondovision

 

Pitch : Perdu dans la foule de Tokyo, un homme a rendez-vous avec Mahiro, sa fille de douze ans qu’il n’a pas vu depuis des années. La rencontre est d’abord froide, mais ils arrivent à discuter et promettent de se retrouver. Mais ce que Mahiro ne sait pas, c’est que son “père” est en réalité un acteur de la société Family Romance, engagé par sa mère.

 

Changement de registre radical avec le nouveau film de Werner Herzog à l'image de l'immense carrière de son auteur, de Nosferatu, fantôme de la nuit à Fitzcarraldo. Dans ce nouveau long-métrage, Herzog part au Japon pour suivre le quotidien d'un entreprise au concept très original puisqu'elle propose la location de personnes pour jouer un rôle ponctuel et éventuellement remplacer un père de famille trop soûl pour assister au mariage de sa fille (!). Le film est un mélange assez étonnant entre la fiction et le documentaire. On suit l'acteur Yuichi Ishii qui passe ses journées avec Mahiro (Mahiro Tanimoto) parce qu'il a été payé par la mère de cette dernière pour jouer son père qu'elle n'a jamais vue.

Ce postulat très particulier permet au réalisateur de mettre en lumière une pratique qui semble la norme au Japon. Se faire remplacer dans certaines situations comme cet employé des trains qui utilise l'acteur pour être sermonner à sa place par son supérieur. Ses mises en scènes sont organisées à la demande et montrent un aspect d'un pays qui a bien du mal avec la démonstration des sentiments et les relations à l'autre, comme si le subterfuge permettait de ne pas s'impliquer. Un peu à l'instar de cet hôtel où les employés sont des robots y compris les poissons mécaniques qui nagent dans l'aquarium. Un spectacle entre incrédulité et gêne.

Ave son image télévisuelle, Family romance LLC fait penser à un docu-fiction car il est probable que la plupart des personnages jouent leur propre rôle dans cette société à la fois très ouverte avec des hommes et des femmes immensément respectueux, mais capables d'un racisme ordinaire avec une fille rejetée par les autres enfants à cause de sa peau trop noire. Le film laisse ainsi un goût très déroutant, perclus de longueurs et de dialogues sans réel intérêt, il peut basculer dans la comédie avec le décalage des situations. L'instant d'après, le malaise gagne le spectateur quand il comprend la réalité de ces mises en scène qui peuvent paraître absurdes pour un occidental. Elles traduisent sans doute un malaise récurrent au sein d'un Japon très moderne à bien des égards, mais évoluant dans un autre monde quand il s'agit de montrer ses émotions.

 

3,5/6

 

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