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7e jour à l'Etrange festival

 

Hasard du calendrier, cette 7e journée est placée sous les regards exclusivement féminins avec trois longs-métrages réalisées par de jeunes cinéastes talentueuses et originales possédant une vision bien tranchée et décalée du monde contemporain. A commencer par Paradise hills et son île fantastique de l'espagnole Alice Waddington, suivi par le très lynchéien Knives and skin de l'américaine Jennifer Reeder, pour terminer avec l'irrévérencieux et drôlatique Greener grass du duo Jocelyn DeBoer et Dawn Luebbe.

 

 

PARADISE HILLS – L'île fantastique - Espagne – 2018 - Alice Waddington

Nouveaux talents

 

Pitch : Une jeune femme se réveille piégée sur une île bien étrange, sur laquelle tout paraît idyllique, et qui ressemble à une école préparant les jeunes filles en vue de leur mariage...

 

Pas de nain tout en blanc pour assurer l'entrée de cette île mystérieuse où plusieurs jeunes femmes ont pris place, poussées par leurs parents à un reconditionnement autoritaire avant le mariage. Une idée anachronique dans un long-métrage qui se situerait dans un futur proche avec quelques gadgets à la clé, voiture volante et hologramme. Paradise hills ressemble ainsi à un conglomérat iconoclaste de diverses influences au charme visuel indéniable qui l'emporte un peu trop sur le fond du sujet.

Pourtant, le début du film est prometteur avec sa connotation appuyé aux contes proche de l'univers de Tim Burton et de son hideux Alice au pays des merveilles, mais en plus joli. Tourné dans le décor naturel des îles Canaries, le premier film d'Alice Waddington soigne les décors et les costumes ultra-kistch de ce lieu dévolu au bien-être de jeunes femmes habillées de robes à frou-frou entourés de gardiens qui pourraient défiler chez Jean-Paul Gauthier. En guise de meneuse de revue, Uma (Emma Roberts, Nerve) s'avère une cliente particulièrement dissipée malgré la création d'un club de quatre copines qui passent les journées à se balader et faire des exercices physiques.

On se doute bien que tout ce beau monde affable n'est pas très catholique (le lait absorbé au dîner a des effets de somnifère), à commencer par la maîtresse de cet institut (Milla Resident evil Jovovich), figure vénéneuse de la sorcière capable de fendre le verre quand elle s'énerve. Sur la longueur, la beauté des images, le soin apporté au décor et aux multiples costumes (la réalisatrice a été photographe et costumière) ont néanmoins des difficultés à développer un scénario cohérent malgré l'apport de Nacho Vigalondo (Timecrimes) à l'écriture. Paradise hills passe difficilement le cut des enjeux et pêche par un trop grand didactisme dans la dernière partie pour expliquer ce qu'il n'avait pas pu démontrer auparavant.

La résolution de l'histoire s'avère donc très banale au regard de tous les moyens déployés pour nous faire croire à la première partie du film. A bien y réfléchir, on se demande les raisons de la mise en branle de tous ces subterfuges et faire passer des vessies pour des lanternes une histoire somme toute déjà vue. Dommage, car les idées fusent dans Paradise hills, entre le bonbon acidulé du teen-movie, la dénonciation d'une société formatée et les malfaisances de la technologie. Mais, le service quatre étoiles manque de profondeur pour émouvoir et se dépareiller des principes du conte de fées un peu trashouille, mais pas si méchant au final.

 

3/6

 

 

KNIVES AND SKIN – teen pourri - USA – 2019 - Jennifer Reeder

 

En compétition et en présence de la réalisatrice

 

Pitch : Suite à un rendez-vous nocturne, Carolyn Harper ne réapparaît pas chez elle, dans sa petite ville bien trop tranquille de l’Illinois. Sa mère, qui dirige la chorale du lycée, est dévastée. Mais ses appels à l’aide ne sont guère entendus que par un shérif qui peine à démarrer l’enquête : son entourage semble comme indifférent à l’absence de cette jeune fille qu’on connaissait mal. En réalité pourtant, c’est une onde de choc que provoque cette disparition, qui renvoie chacun à ses propres angoisses, et qui va faire naître de nouveaux rapports au sein de la communauté...

 

A l'image de la réalisatrice qui a présenté son film, Knives and skin est une proposition originale et décalée de l'Amérique profonde des petites villes de banlieues. Proche de David Lynch, de sa poésie atmosphérique et quelquefois absconse, le long-métrage de Jennifer Reeder est une autre façon d'appréhender le teen-movie en focalisant sur une pléiade de personnages iconoclastes et dérangés. La disparition très "Laura Palmer" de la jeune Carolyn est le déclencheur de problèmes relationnels entre des enfants perdus dans une société qu'ils ne comprennent pas et des parents à la ramasse psychologiquement, incapables de les structurer.

Comme évoqué en présentation, Knives and skin dresse un constat assez sombre de l'Amérique d'aujourd'hui, engoncée dans ses codes immuables de vêtements renvoyant chacun à sa condition. La pom-pom girl, le sportif ou l'ado déstructurée forment un attelage connu mais contrebalancé par des attitudes déviantes ou un groupe de filles qui vient au collège toujours habillées de façon extravagante en décalage avec le reste des élèves. De fait, cela entretient le caractère fantasque d'un scénario ne choisissant pas la facilité afin de faire émerger des familles dysfonctionnelles bloquées dans leur rapport au sexe. Certainement influencé par le phénomène #Metoo, le film dénonce l'incapacité des hommes à respecter les femmes et la récurrence à envisager le rapport amoureux comme mécanique et non émotionnel.

Des comportements conflictuels difficiles à l'origine de troubles psychologiques (la réalisatrice cite Magnolia de Paul Thomas Anderson dans ses interviews) au sein d'un film qui alterne le non-sens et la comédie musicale comme seul moment de grâce et de dialogue dans un univers bien terne et sans perspective. Un constat tragique qui peut irriter de par son abord très austère et fasciné par son décalage permanent dans la narration et un scénario qui se fout des conventions.

 

3,5/6

 

 

GREENER GRASS – Appareil dentaire - USA – 2019 - Jocelyn DeBoer & Dawn Luebbe 

 

En mondovision et en présence des réalisatrices

 

Pitch : Dans une zone pavillonnaire proprette et idyllique, Jill et Lisa sont deux mères qui se rencontrent et sympathisent en apparence, mais mettent en place une vraie compétition pour briller aux yeux de l’autre. Et quand Jill offre son nouveau-né à Lisa, rien ne va plus !

 

L'arrivée sur scène des deux réalisatrices en robe léopard accompagné d'un maniérisme à la Miss France afin de présenter leur film ressemble trait pour trait à l'ambiance décalée qui règne dans Greener grass. En bon émule d'un John Waters, Jocelyn DeBoer et Dawn Luebbe (également actrices principales et scénaristes) dépeignent à la tronçonneuse l'Amérique des suburbs friqués et pavillonnaires où tout le monde se déplacent en voiturette de golf et s'habillent avec des vêtements flashy. Bref, le film de ces doux-dingues s'avère complètement déjanté et comique à bien des égards.

Dans cet univers rose bonbon, tout est de mauvais goût, de la façon de se vêtir aux réactions de personnages tous plus idiots les uns que les autres, avec la particularité de porter un appareil dentaire presque comme un accessoire de mode et de reconnaissance sociale. Adapté de leur propre court-métrage, Greener grass ne fait pas dans la demi mesure et embrasse frontalement les travers d'une société complètement aux antipodes du vrai monde, recluse dans leur banlieue avec comme seul désir, briller en société et être bien vu des autres. A ce petit jeu, la comédie joue dans la cour de l'absurde jusqu'à l'outrance. Jill (Jocelyn DeBoer, vue dans Dead snow) donne son bébé à Lisa (Dawn Luebbe) comme un cadeau sans que cela ne gêne personne. C'est le monde de Greener grass, fou et improbable.

Sans tabous, le film est un pamphlet acide qui tape sur toutes les conventions sociétales, des émissions débiles à la télévision au politiquement correct actuel. Il faut donc se laisser porter par ces situations portnawak où Lisa récupère un ballon de foot, le place sous sa robe et prétend être enceinte de façon tout à fait logique. Sans parler du fils de Jill qui tombe dans la piscine et se transforme en chien au grand bonheur de son père le trouvant bien plus efficace et rapide pour ramener les balles. De fait, certaines séquences sont hilarantes parce qu'elles vont jusque dans les tréfonds du délire sans négliger la construction d'un scénario où Jill, la mère de famille modèle, perd ses repères, tandis que l'ombre d'un tueur plane sur la communauté.

Sur la durée, Greener grass réussit son pari du n'importe quoi en extrapolant des situations ordinaires pour les amener sur les terrains de la folie à l'aide de dialogues savoureux et de personnages ridicules voire outranciers. Du mauvais goût à tous le étages récompensé cette année à Sundance.

 

4/6

 

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