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11e jour à l'Etrange festival

 

Avant-dernier jour à l'Etrange festival s'ouvrant sur un film très particulier à l'image de son titre Koko-di Koko-da de Johannes Nyholm, avant le choc frontal et extraordinaire entre Willem Dafoe et Robert Pattinson dans The lighthouse de Robert Eggers pour finir avec l'aseptisé Little Joe de Jessica Hausner.

 

 

KOKO-DI KOKO-DA – Comptine morbide – Suède/Danemark – 2019 – Johannes Nyholm

 

En compétition et en présence du réalisateur

 

Pitch : Trois ans après le terrible drame familial qui a entraîné le décès de leur fille de huit ans, un couple a bien du mal à se reconstruire. Ils décident de partir se reposer quelques jours et s’arrêtent un soir pour camper au bord de la route. 

 

Le film de Johannes Nyholm (Jätten) est marqué sous le sceau du symbolisme permanent, à commencer par ce titre énigmatique qui renvoie à une comptine dont les paroles reviennent en boucle à l'image de la situation vécue par un jeune couple. Le réalisateur pose pourtant des jalons bien réels dans son entame en montrant la mort d'une petite fille et le désarroi de leurs parents. Ce sera le seul moment concret d'un film perclus de symboles et d'un surnaturel bucolique lié au voyage temporel.

Si le film paraît austère et rébarbatif avec la répétition de la même séquence, il recèle dans ses recoins une forme de poésie morbide avec l'arrivée de personnages iconoclastes de conte de fées en guise d'ogre et sorcières. La violence est au rendez-vous à chaque fois où le mari se réveille (Leif Edlund) et tente de fuir avec sa femme (Ylva Gallon). Peine perdue pour ce couple marqué à jamais par la perte de leur enfant, bloqués sous une tente au milieu d'une forêt. De manière froide et méthodique, le réalisateur applique le principe de la boucle temporelle un peu comme dans Edge of tomorrow où la même scène recommence après chaque mort.

Dans Koko-di Koko-da, la naturalité du propos est contrebalancé par un symbolisme très fort grâce à l'utilisation d'un chat blanc annonciateur de malheur et par la biais d'un théâtre de marionnettes en ombres chinoises retraçant le parcours de ces deux êtres un peu paumés (les meilleurs séquences du film). On est à la fois dans Alice au pays des merveilles et le surréalisme d'un David Lynch avec des personnages sortis de nulle part. La clé de l'énigme n'est pas située dans le rationnel, elle flirte avec le poétique tragique et la mise en abîme d'un homme et d'une femme qui ont du mal à faire leur deuil dans ce petit film où tous les éléments ont une importance mais pas forcément une cohérence. Et si cet événement n'était que la résurgence de leur psyché traumatisé ? Un film qui a au moins le mérite de faire deviser les spectateurs.

 

4/6

 

 

THE LIGHTHOUSE – Lumière noire – Canada/USA – 2019 – Robert Eggers

 

Mondovision

 

Pitch : Nouvelle Angleterre, fin du XIXe siècle, sur une île perdue. Deux hommes ont pour mission de s’occuper durant quatre semaines d’un phare isolé. Petit à petit, la folie s’installe...

 

Dire qu'on attendait avec envie le nouvel essai de Robert Eggers après The witch est un euphémisme. Dans une salle pleine à craquer, ce second film confirme les attentes placées en lui. Pourtant, le cinéaste ne choisit pas la facilité en proposant un long-métrage en noir et blanc en format 4/3. Le cap du deuxième film n'est jamais évident et Eggers remplit son contrat avec la collision psychologique et physique de deux hommes sur une île battue par une tempête permanente.

Passée la mise en place pour s'habituer au format et à un ton assez erratique, The lighthouse impressionne par sa maîtrise visuelle (on pense à l’œuvre de Guy Maddin), son sens du cadre et l'atmosphère viscérale qu'il dégage. Porté par un noir et blanc somptueux, le long-métrage instaure un climat à la fois organique et malsain cristallisé par la relation entre un vieux loup de mer boiteux Thomas Wake chargé de surveiller la lumière du phare (Willem Dafoe, Antichrist) et son jeune assistant Ephraim Winslow (Robert Pattinson, High life) présent pour approvisionner le feu. Deux destins opposés qui progressent vers un abîme de terreur au fur et à mesure de leur cohabitation.

Basé sur les écrits d'Herman Melville et des carnets de bord de capitaines de bateaux, The lighthouse traduit à l'écran la solitude de personnages au passé douteux comme si cette île maudite était leur purgatoire afin d'expier leurs fautes. Une prison à ciel ouvert, renforcée par l'utilisation du 4/3, dont il est bien difficile de s'échapper physiquement mais surtout mentalement. Car la promiscuité ouvre les portes de la folie, accélérée par l'absorption massive d'alcool. En même temps, c'est le seul moment où le vieux Wake s'humanise. Le reste de la journée, il est odieux avec Winslow et le traite comme un esclave dévoué à transbahuter du charbon comme un Sisyphe du XIXe siècle, sous le regard inquisiteur des mouettes, gardiennes des âmes perdues.

The lighthouse est avant tout un grand film d'acteurs, la confrontation entre ces deux personnalités s'avère extraordinaire. On connaissait Willem Dafoe avec son visage buriné, mais il devient ici un ogre vénéneux dont la fureur colérique le mue en monstre lovecraftien. Une sorte de Capitaine Achab déclamant des paroles prophétiques avec une puissance formidable sous sa barbe fournie. Face à lui, Robert Pattinson explose dans ce rôle et prouve qu'en vieillissant il atteint des sommets insoupçonnés dans son jeu. Ancré dans la démence, ce Pattinson là a des allures de Daniel Day Lewis dans There will be blood et son regard halluciné renvoie par bribes aux plus grands acteurs hollywoodiens.

Parce qu'il y a du grand film américain des années 50 dans The lighthouse, comme si on avait remonté le temps dans cet affrontement à la fois terrible et tendu flirtant avec le fantastique et la mythologie. Le scénario d'Eggers se love dans le feu troublée des âmes oubliées face à la solitude et la répétition des mouvements. L'alcool se transforme en un diable qui fait se rapprocher les corps un temps, mais au réveil la paranoïa et la douleur du quotidien reprennent leur engeance avec une force plus démesurée de jour en jour. Le spectateur suit cette évolution dramatique et cette plongée sur les terres de la folie jusqu'aux entrailles de l'enfer avec une délectation presque morbide. Et le sentiment de visionner un immense film sur la désagrégation mentale des hommes agrémenté d'une interprétation hors du commun pour ce voyage halluciné et merveilleux. La bombe du festival.

 

5/6

 

 

LITTLE JOE – Fleur de parfum – Autriche/UK/Allemagne – 2019 – Jessica

 

Nouveaux talents et en présence de l'équipe du film

 

Pitch : Saviez-vous que les plantes réagissent aux bonnes ondes ? Alice, une phytogénéticienne, a mis au point une fleur qui en retour rendrait son propriétaire heureux et serein. Avant même les derniers tests, elle décide d’en offrir une à son fils Joe. Mais la plante, baptisée Little Joe, se révèle moins inoffensive qu’elle n’en a l’air...

 

Difficile de se remettre du choc The lighthouse et repartir pour la dernière séance de la journée avec le nouveau film de la réalisatrice Autrichienne Jessica Hausner (Lovely Rita). Little Joe s'apparente à une variation florale des Profonateurs de sépultures, pas tant pour sa qualité mais pour sa thématique. En effet, une belle fleur baptisée "Little Joe" tente de s'approprier les âmes des généticiens qui la surveillent grâce à l'inhalation de son parfum. Une idée intéressante pour cette co-production européen qui peine néanmoins à convaincre du fait d'une approche hermétique du sujet, à l'instar de l'ambiance clinique et froide du film.

Si le long-métrage n'ennuie pas, il ne parvient pas à déployer son scénario trop engoncé dans son carcan de film de laboratoire dans un Londres figé et une entreprise de génétique policée. Des tenues des employés à la maison d'Alice (Emily Beecham, Daphné) à l'origine de la conception de la plante censée apportée le bonheur à l'humanité. Pourtant, la fleur se rebelle et semble gangréner le cerveau et l'âme de ceux qui s'en approchent de trop près jusqu'à devenir les adeptes d'une secte sans nom ni leader. Bref, tout ne semble plus tourner rond dans le quotidien de ces personnes qui certes s'adoucissent mais de manière trop artificielle à l'image du fils d'Alice Joe ou de son collègue Chris (Ben Whishaw, Le parfum).

De ce postulat original science-fictionnel, le scénario ne fait pas grand-chose et ressasse à l'envi les possibles problèmes liés à la contamination de la fleur qui n'est jamais vraiment démontré, malgré les changements d'humeur de certains personnages. Et la réalisation est au diapason du dispositif uniforme de cette histoire qui vient traîner ses guêtres sur les terrains bien connus du fantastique sans jamais y pénétrer réellement. De fait, le spectateur reste à la porte d'un film assez atone à l'image des protagonistes qui évoluent finalement peu dans leur comportement. Si la mise en place est intéressante, on aurait aimé que la deuxième partie explore d'autres facettes et s'aventure enfin vers des idées plus malsaines et moins convenues. Pour finir, on se demande encore comment Emily Beecham a bien pu obtenir le prix de la meilleure actrice au dernier festival de Cannes...

 

3/6

 

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