Ma pin-up du mois

L'as de pique
L'as de pique
PIFFF 2023
PIFFF 2023
Soirée Perles rares vampiriques à la Cinémathèque
Soirée Perles rares vampiriques à la Cinémathèque

Ma Blogothèque cinéphilique

Suivre le site
Suivre le site

 

THE NEON DEMON

 

GENRE : Les lumières de la gloire

REALISATEUR : Nicolas Winding Refn

ANNEE : 2016

PAYS : USA/Danemark/France

BUDGET : 7 000 000 $

ACTEURS PRINCIPAUX : Elle Fanning, Jena Malone, Bella Heathcote...

 

RESUME : Une jeune fille débarque à Los Angeles. Son rêve est de devenir mannequin. Son ascension fulgurante et sa pureté suscitent jalousies et convoitises. Certaines filles s’inclinent devant elle, d'autres sont prêtes à tout pour lui voler sa beauté.

 

MON HUMBLE AVIS

The Neon demon est un objet filmique laissant un goût ambivalent dans un palais habitué aux travaux très particuliers de l'éclectique Nicolas Winding Refn passant du polar urbain hyper réaliste (Pusher) au thriller aérien sous forme de romance (Drive) ou en s'égarant dans les rues embuées de Bangkok (Only god forgives). Des exemples d'une filmographie où la violence est une des thématiques récurrentes de son cinéma dans des milieux plus ou moins interlopes et à l'esthétique différente à chaque essai.

Ce n'est donc pas innocent si Refn choisit Los Angeles pour situer ce conte moderne traitant du monde de la mode et surtout de superficialité. Parce que la cité des anges est aussi celle des séraphins déchus aux ailes brisés par un espoir de gloire évaporé dans les limbes de l'oubli, appelés à rejoindre la cohorte des sans-grades et des anonymes aux paillettes sans éclat. Pour renforcer son propos, le réalisateur choisit une iconographie aux tons flashy accentuant les couleurs rouges, bleues ou roses, créant un univers à la fois clinquant et classieux, mais aussi très froid au final. Dès le générique, le spectateur est placé dans un clip ou une pub pour un parfum de luxe, la signature de Refn NWR apparaît ici à l'instar de la marque d'un couturier, dans un cadre aux lignes parfaites où on retrouve le personnage de Jesse (Excellente Elle Fanning, vue dans Super 8, Maléfique) allongée sur un sofa et recouverte de sang avant que la caméra ne s'éloigne et que l'on comprenne que c'est le shooting d'un photographe.

Alors qu'on est censé être dans le monde du rêve, les corps sont tous presque immobiles, décharnés pour espérer défiler à tel point qu'on se croirait dans un laboratoire où des êtres sans vie et mutiques attendent leur tour sous le joug d'un photographe ou d'un directeur de casting suffisant et tyrannique. Un postulat de départ, déjà entrevu dans le tétanisant Starry eyes, surprenant aussi le spectateur qui a bien du mal à se frayer un passage dans le cerveau tourmenté de NWR du fait de longs travellings et de quelques longueurs comme si lui aussi devait attendre que le metteur en scène daigne vouloir le sortir de sa torpeur. Et quand il se décide enfin c'est pour balancer des images saccadées et stroboscopiques donnant envie de tourner la tête au son d'une musique de boîte de nuit. Certes, Refn se regarde un peu filmer mais produit des images d'une beauté assez renversante aux courbes épurées rehaussées de couleurs tranchant avec l'ambiance du film, se posant en cousin de Mulholland Drive de David Lynch.

Très vite, ce côté irréaliste submerge l'écran comme si cette fantasmagorie luxueuse était un perpétuel subterfuge où les faux-semblants seraient monnaie courante. D'ailleurs, la discussion dans les toilettes de la boîte entre Jesse et les trois femmes, rivales assumées, présentées ici comme des figures maléfiques, tourne surtout autour de l'apparence et de savoir avec qui couche la jeune femme incommodée par la tournure des événements. Il faut dire qu'Elle Fanning apporte toute sa beauté virginale, frêle et diaphane à ce personnage d'ingénue de conte de fées, souvent accompagnée d'un blanc immaculée. Repérée pour sa beauté et son aura particulière, la juvénile Jesse gravit les échelons et devient l'attention des hommes qui comptent, au détriment des autres mannequins appelés désormais à faire de la figuration. A l'instar de Darren Aronofsky dans Black Swan, Refn sublime l'ascension de la nouvelle égérie lorsqu’elle pénètre pour la première fois au sein d'un défilé. Dans sa robe noire de jais, elle s’apprête à franchir le Rubicon de son ambition et croise des miroirs lui renvoyant une dernière fois son humanité encore préservée dans une des plus belles séquences du film.

L'instant d'après, Jesse n'est plus la même. Elle est devenue une femme, une fleur vénéneuse et tentatrice. L'enfant s'est enfui définitivement. Et pour la seule fois du film, Refn se fait subtil et utilise la traversée d'un simple rideau dans un bar pour symboliser ce passage vers l'âge adulte mais aussi vers un enfer de futilité et de paraître. Pour le reste, force est de constater que le réalisateur du Guerrier silencieux ne fait pas dans la demi-mesure en présentant le monde de la mode comme un symbole de bassesse, de voyeurisme et de jalousie exacerbée. Un ilot de souffrance où tout le monde est coupable d'utiliser le malheur pour survivre, que ce soit le tenancier du motel (Keanu Matrix Reeves) les chasseurs de têtes ou la maquilleuse manipulatrice Ruby (Jena Malone, Les ruines). Une réalité très caricaturale se muant en une dimension quasiment monstrueuse. Car, si tout semble aseptisé, la dernière bobine se met à tournoyer dans tous les sens, prise dans un tourbillon de giallo, de cannibalisme, de nudité et même d'une séquence esthétisante de nécrophilie féminine. Un hiatus radical brisant les rêves de gloire et terminant un film aux contours encore difficiles à définir.

The Neon demon peut se lire comme une œuvre à charge contre le microcosme de l'apparence, de l'attirance de la lumière incandescente du succès (ne serait-ce pas un miroir déformant de son réalisateur ?) tout à la fois subjuguante par sa beauté plastique, irritante par son parti pris de mise en scène clinquant, maniéré et parfois auteurisant pour un résultat final qui aura peut-être perdu ses spectateurs au fur et à mesure du voyage. Les survivants seront sans doute ébahis par la beauté picturale émanant de chaque image, au son d'une musique électro de Cliff Martinez (Drive) aux fragrances éthérées voire ésotériques dans ce film flirtant constamment avec une multitude de genres pour aboutir à une créature hybride au sang froid et dégoulinant.

 

4/6

Écrire commentaire

Commentaires: 17
  • #1

    Rigs Mordo (mercredi, 30 novembre 2016 20:02)

    J"avais des a priori sur Refn, puis j'ai vu Drive et bien-aimé, en l'esquivant à sa sortie (j'évite ce qui buzz et me lance une fois que ça retombe), donc pourquoi pas celui-ci ? Tu compares un peu à du Lynch, que j'aime pas, mais vu que Refn a une beauté picturale comme tu dis, ça se tente! Belle chro !!

  • #2

    Roggy (mercredi, 30 novembre 2016 20:10)

    Merci l'ami. C'est clairement un film clivant qui peut autant fasciner que rebuter. Je pense que certains passages te souleront alors que d'autres te rappelleront peut-être "Drive". Sinon, je te conseille sa trilogie "Pusher" qui est juste une tuerie.

  • #3

    Mighty Matt (jeudi, 01 décembre 2016 12:58)

    Ah, ça fait plaisir un nouvel avis sur Neon Demon.
    Je suis dans l'ensemble assez d'accord avec toi sur le côté très fin (malgré une icono très riche !) de la réalisation.
    Bon après on va me dire que je suis de parti pris quand je cause de NWR mais bon... A mon sens Neon Demon est le film qui conclut le dernier cycle du réal'. Appelons ça le cycle des grandes villes lumineuses (Drive-L.A - OGF - Bangkok et Neon Demon qui devait initialement se dérouler à Tokyo). Comme tu dis, Refn se regarde filmer mais c'est probablement car il met ici le dernier coup de pinceau sur son oeuvre et regarde avec un mouvement de recul ce que rend la "bête".
    Il s'agit clairement du film qui divisera le plus les anti et pro Refn tant la bobine relève du jusqu'au boutisme (d'ailleurs c'est drôle de voir comme après avoir cité tous ses idoles dans Bleeder à travers le perso de Mikelsen, Refn les cite ici visuellement qu'il s'agisse de Méliès, Tourneur, Carpenter...
    NWR les pose sur la table en assumant son style et ses références...
    Le prochain film sera sûrement très intéressant car comment aller plus loin ? Il sera bien obligé de changer de direction !

  • #4

    Alice In Oliver (jeudi, 01 décembre 2016 13:48)

    Toujours pas vu ce dernier cru de Nicolas Winding Refn , mais forcément il m'intéresse, même si on retrouve apparemment tous les tics du réalisateur, enfin c'est ce que j'ai compris en lisant la chronique

  • #5

    Roggy (jeudi, 01 décembre 2016 14:27)

    A Mighty Matt,
    Je suis d'accord avec toi sur le fait que ce film conclut une série urbaine avec des partis pris bien assumés. Je n'ai pas encore vu "Bleeder" mais j'attends vraiment aussi de savoir quelle sera sa prochaine réalisation. J'avais entendu parler d'un film d'horreur mais sans certitude. Merci pour ta visite en tout cas :)

  • #6

    Roggy (jeudi, 01 décembre 2016 14:32)

    A Alice in Oliver,
    Je n'ai pas vu tous les films de NWR et je ne pourrai pas forcément définir son style en particulier sauf qu'il joue sur les cadres, la couleur et la musique. Un mélange subtil qui peut l'être un peu moins notamment sur sa façon de filmer qui quelquefois peut sembler superfétatoire, même si je pense que le gars a du talent comme pour "Drive" par exemple.

  • #7

    Mighty Matt (jeudi, 01 décembre 2016 14:36)

    Moi j'ai entendu parler de SF dans la lignée de La planète des vampires (dont il a produit de restauration). Ce serait logique quand on connait l'amour de Refn pour le genre et qu'on voit que seul Neon Demon est un tant soit peu un film "de genre".

  • #8

    Roggy (jeudi, 01 décembre 2016 17:29)

    C'est encore mieux ! Ce serait intéressant justement de le voir dans ce nouvel exercice.

  • #9

    princécranoir (dimanche, 04 décembre 2016 12:28)

    Un retour lumineux sur Neon démoniaque qui peu à peu fait son chemin vers le podium de mes préférences cinématographiques de l'année. Je ne l'ai pas revu depuis sa sortie mais cette chronique fort bien troussée ("Black Swan", "Mulholland drive", bien vu, sans compter la petite touche "Lords of Salem") est une invite à replonger dans ce bain esthético kitsch trempé dans un baquet de sang. Pas trop fan au départ des films de NWR (j'avoue avoir débuté mon exploration après ses "tueries" scandinaves, mais je compte bien me rattraper un de ces jours), son cheminement artistique a fini par me convaincre jusqu'à cette apothéose triangulaire que forment ses trois derniers films.

  • #10

    Roggy (dimanche, 04 décembre 2016 14:15)

    C'est vrai que les femmes ont un côté sorcière et on pourrait aussi penser aux contes de Grimm jusque dans son esthétique. Quant au cinéma de Refn, j'avoue que j'aime bien la trilogie "Pusher" (apparemment, son récent "Bleeder" ressorti est aussi dans la même veine), et je n'ai pas encore vu "Le guerrier silencieux" et "Only gods forgive".

  • #11

    Mighty Matt (lundi, 05 décembre 2016 15:00)

    Si tu aimes le côté Lynchien de Refn, fonce sur Fear X !
    Et chez NWR, les femmes ont toujours été des sorcières... Dans tous ces films, c'est par elle que vient le mal, ou tout du moins elle porte quasiment toute le mal en elle (exception faite peut être de sa Liv Corfixen dans Bleeder). Cependant c'est la première fois qu'il met la gent féminine a ce point au premier plan, ce qui rend ce Neon Demon encore plus fou pour les fans du réal' !

  • #12

    tinalakiller (lundi, 05 décembre 2016)

    J'ai beaucoup aimé ce film qui est pour moi une sorte de relecture de conte n'hésitant pas à illustrer littéralement ses idées par son esthétique à tomber par terre ! Elle Fanning est également excellente !

  • #13

    Roggy (lundi, 05 décembre 2016 19:52)

    Elle Fanning est effectivement parfaite dans son rôle, apportant toute sa douceur et en même temps on sent monter en elle une forme de folie.

  • #14

    Moskau (samedi, 10 décembre 2016 16:11)

    Meilleur film de 2016 (pour l'instant), hâte de connaître le prochain projet de NWR car il a atteint ici un point qu'il sera difficile de dépasser. J'espère également qu'il n'a pas abandonné l'idée de filmer à Tokyo un jour.

  • #15

    Roggy (samedi, 17 décembre 2016 09:43)

    J'ai effectivement appris qu'il devait tourner à la base "The neon demon" à Tokyo et non à Los Angeles.

  • #16

    Mr Vladdy (samedi, 17 décembre 2016 12:22)

    Ce film me fait peur ce cinéaste ayant une fâcheuse tendance à m'ennuyer. Cependant, j'en ai quad même eu de bons échos qui fait que j'essaierais de le voir lors d'un passage à la télévision surtout que j'aime bien l'actrice principale ;-)

  • #17

    Roggy (vendredi, 06 janvier 2017 23:18)

    Il faut vraiment se laisser imprégner par le film. Malgré quelques passages un peu lents, certaines séquences sont éblouissantes.